having gone a fishing up a small lake, they erected
a tent for the purpose of enjoying the fruits of their pastime.
While thus employed they were joined by seven or eight negroes, the
chiefs of Loango, who, in the customary mode of salutation,
presented to them their hands. These they had previously rubbed with
a subtle poison, whose effect is instantaneous, when unhappily the
persons to whom it is communicated takes any thing without first
washing their hands; and so successful were they in their purpose,
that no less than eight persons perished upon the
spot.” As a cure for a pain of the
head, or for any bodily pain whatever, these negroes make a slight
wound upon the part affected, and through a small horn, with a
narrow hole, they suck out the blood till they obtain
relief. The negroes of Senegal,
Gambia, Cape de Verd, Angola, and Congo, are of a more beautiful
black than those of Juda, Issigni, Arada, and of the circumjacent
places. They are exceedingly black when in health, but when sick
they become of a copper-colour. [466][467] “In
our islands (says Father du Tertre in his history of the Antilles)
the negroes of Angola are preferred to those of Cape de Verd,
for |
sur leur visage; mais quand on les traite mal, ils prennent le chagrin fort à cœur & périssent quelquefois de mélancolie: ils sont donc fort sensibles aux bienfaits & aux outrages, & ils portent une haine mortelle contre ceux qui les ont maltraitez; lorsqu’au contraire ils s’affectionnent à un maître, il n’y a rien qu’ils ne fussent capables de faire pour lui marquer leur zèle & leur dévouement. Ils sont naturellement compatissans & même tendres pour leurs enfans, pour leurs amis, pour leurs compatriotes*;
ils partagent volontiers le peu qu’ils ont avec ceux qu’ils voient dans le besoin, sans même les connoître autrement que par leur indigence. Ils ont donc, comme l’on voit, le cœur excellent, ils ont le germe de toutes les vertus, je ne puis écrire leur histoire sans m’attendrir sur leur état, ne sont-ils pas assez malheureux d’être réduits à la servitude, d’être obligez de toûjours travailler sans pouvoir jamais rien acquerir? faut-il encore les excéder, les frapper, & les traiter comme des animaux? l’humanité se révolte contre ces traitemens odieux que l’avidité du gain a mis en usage, & qu’elle renouvelleroit peut-être tous les jours, si nos loix n’avoient pas mis un frein à la brutalité des maîtres, & resserré les limites de la misère de leurs esclaves. On les force de travail, on leur épargne la nourriture, même la plus commune, ils supportent, dit-on, très-aisément la faim; pour vivre trois jours il ne leur faut que la portion d’un Européen pour un repas; quelque peu qu’ils mangent & qu’ils dorment; ils sont toûjours
* Voyez l’Histoire des Antilles, page 483 jusqu’à 533.
également
|
for bodily strength; but when heated, their stench
is so strong, that the air, whithersoever they pass is infected
with it for above a quarter of an hour. The negroes of Cape de Verd
smell not so strong; their skin likewise is more black and
beautiful, their body is of a better shape, their features less
harsh, they are much taller, and in disposition more
mild.” The negroes of Guinea are
well qualified for the office of tillage, and other laborious
employments; those of Senegal are less vigorous, yet are good
domestic servants, and very ingenious. Father Charlevoix1 says, that
of all negroes the Senegal ones are the most shapely, most
tractable, and as domestic the most useful; that the Bambaras are
the tallest, but they are all idle and knavish; that the Aradas best
understand the culture of the earth; that the Congos are the
smallest, but most expert swimmers;2 that the Nagos are the most
humane, the Mondongos the most cruel; the Mimes the most resolute, [467][468]
the most capricious, and the most subject to despair; that the
Creole-negroes, from whatever nation they derive their origin,
inherit nothing from their parents but the spirit of servitude and
colour; they are more ingenious, rational, and adroit, but more
1 These characterizations come in fact from Father Pierre-François-Xavier de Charlevoix, who, in his Histoire de Saint-Domingue, drew up a list of qualities and shortcomings of Negroes “considered as slaves,” as the Encyclopédie declared, which likewise follows Charlevoix. [Duchet 283n90]
2 swimmers fishermen. [Meijer]
idle |
également durs, également forts au travaila. Comment des hommes à qui il reste quelque sentiment d’humanité peuvent-ils adopter ces maximes, en faire un préjugé, & chercher à légitimer par ces raisons les excès que la soif de l’or leur fait commettre? mais laissons ces hommes durs & revenons à notre objet.
On ne connoît guère les peuples qui habitent les côtes & l’intérieur des terres de l’Afrique depuis le Cap-nègre jusqu’au Cap des Voltes, ce qui fait une étendue d’environ quatre cens lieues: on sait seulement que ces hommes sont beaucoup moins noirs que les autres Nègres, & ils ressemblent assez aux Hottentots, desquels ils sont voisins du côté du midi. Ces Hottentots au contraire sont bien connus, & presque tous les voyageurs en ont parlé: ce ne sont pas des Nègres, mais des Caffres, qui ne seroient que basanez s’ils ne se noircissoient pas la peau avec des graisses & des couleurs. M. Kolbe qui a fait une description si exacte de ces peuples, les regarde cependant comme des Nègres, il assure qu’ils ont tous les cheveux courts, noirs, frisez & laineux comme ceux des Nègresb, & qu’il n’a jamais vû un seul Hottentot avec des cheveux longs: cela seul ne suffit pas, ce me semble, pour qu’on doive les regarder comme de vrais Nègres; d’abord ils en diffèrent absolument par la couleur, M. Kolbe dit qu’ils sont couleur d’olive, & jamais noirs, quelque peine qu’ils
a Voyez l’histoire de Saint-Domingue, pages 498 & suivantes.
b Description du Cap de Bonne-espérance, par M. Kolbe. Amsterdam, 1741. page 95.
se |
idle and debauched than those of Africa. He adds,
that the understanding of the negroes is exceedingly contracted;
that numbers of them seem to be even entirely stupid, and can never
be made to count more than three; that they have no memory, and are
as ignorant of what is past, as of what is to come; that the most
sprightly ridicule the others with a tolerable grace; that they are
full of dissimulation, and would sooner perish than divulge a
secret; that they are commonly mild, humane, tractable, simple,
credulous, and even superstitious; that they possess fidelity and
courage, and might with proper discipline make a tolerable figure in
the field. If the negroes are
deficient in genius, they are by no means so in their feelings; they
are cheerful or melancholy, laborious or inactive, friendly or
hostile, according to the manner in which they are treated. [468][469] If
properly fed, and well treated, they are contented, joyous,
obliging, and on their very countenance we may read the satisfaction
of their soul. If hardly dealt with their spirits forsake them, they
droop with sorrow, and will die of melancholy. They are alike
impressed with injuries and favours. To the authors of the one they
are implacable
enemies; |
se donnent pour le devenir, ensuite il me paroit assez difficile de prononcer sur leurs cheveux, puisqu’ils ne les peignent ni ne les lavent jamais, qu’ils les frottent tous les jours d’une très-grande quantité de graisse & de suie mêlées ensemble, & qu’il s’y amasse tant de poussière & d’ordure que se colant à la longue les uns aux autres ils ressemblent à la toison d’un mouton noir remplie de crottea. D’ailleurs leur naturel est différent de celui des Nègres, ceux-ci aiment la propreté, sont sédentaires, & s’accoûtument aisément au joug de la servitude, les Hottentots au contraire sont de la plus affreuse mal-propreté, ils sont errans, indépendans & très-jaloux de leur liberté; ces différences sont, comme l’on voit, plus que suffisantes pour qu’on doive les regarder comme un peuple différent des Nègres que nous avons décrits.
Gama qui le premier doubla le Cap de Bonne-espérance & fraya la route des Indes aux Nations Européennes, arriva à la baie de Sainte-Hélène le 4 Novembre 1497, il trouva que les habitans étoient fort noirs, de petite taille & de fort mauvaise mineb, mais il ne dit pas qu’ils fussent naturellement noirs comme les Nègres, & sans doute ils ne lui ont paru fort noirs que par la graisse & la suie dont ils se frottent pour tâcher de se rendre tels; ce voyageur ajoûte que l’articulation de leur voix ressembloit à des soûpirs, qu’ils étoient vêtus de peaux de bêtes,
a Description du Cap de Bonne-espérance, par M. Kolbe. Amsterdam, 1741. page 92.
b Voyez l’hist. gén. des voyages, par M. l’Abbé Prevôt. Tome I. p. 22.
que |
enemies; while to those who use them well they
imbibe an affection which makes them defy all danger and hazard to
express their zeal and attachment. To their children, friends, and
countrymen, they are naturally compassionate; the little they have
they cheerfully distribute among those who are in necessity, though
otherwise than from that necessity they have not the smallest
knowledge of them. That they have excellent hearts is evident, and
in having those they have the seeds of every virtue. Their
sufferings demand a tear. Are they not sufficiently wretched in
being reduced to a state of slavery; in being obliged always to work
without reaping the smallest fruits of their labour, without being
abused, buffeted, and treated like brutes? Humanity revolts at those
oppressions, which nothing but thirst of gold could ever have
introduced, and which would still, perhaps, produce an aggravated
repetition, did not the law prescribe limits to the brutality of the
master, and to the misery of his slave. Negroes are compelled to
labour; and yet of the coarsest food they are sparingly supplied.
Their unfeeling masters say, they can support hunger well; that what
would serve an European for
one |
que leurs armes étoient des bâtons durcis au feu, armez par la pointe d’une corne de quelque animal, &c.a ces peuples n’avoient donc aucun des arts en usage chez les Nègres.
Les voyageurs Hollandois disent que les Sauvages qui sont au nord du Cap, sont des hommes plus petits que les Européens, qu’ils ont le teint roux-brun, quelques-uns plus roux & d’autres moins, qu’ils sont fort laids & qu’ils cherchent à se rendre noirs par de [sic] la couleur qu’ils s’appliquent sur le corps & sur le visage, que leur chevelure est semblable à celle d’un pendu qui a demeuré quelque temps au gibetb. Ils disent dans un autre endroit que les Hottentots sont de la couleur des Mulâtres, qu’ils ont le visage difforme, qu’ils sont d’une taille médiocre, maigres & fort légers à la course; que leur langage est étrange, & qu’ils gloussent comme des coqs d’indec. Le Père Tachard dit que quoiqu’ils aient communément les cheveux presqu’aussi cotonneux que ceux des Nègres, il y en a cependant plusieurs qui les ont plus longs & qui les laissent flotter sur leurs épaules, il ajoûte même que parmi eux il s’en trouve d’aussi blancs que les Européens, mais qu’ils se noircissent avec de la graisse & de la poudre d’une certaine pierre noire dont ils se frottent le visage &
a Voyez l’histoire générale des voyages, par M. l’Abbé Prevôt. Tome I, page 22.
b Voyez le recueil des voyages de la Compagnie de Hollande, page 218.
c Idem, voyez voyage de Spilberg, page 443.
tout |
one meal is to them a sufficient subsistence for
three days; however little they eat or sleep, they are alike hardy,
alike capable of fatigue. [469][470] How can men, in whom the smallest
sentiment of humanity remains, adopt such maxims, and on such
shallow foundations attempt to justify excesses to which nothing
could ever have given birth but the most sordid avarice?1 But let us
turn from the gloomy picture, and return to our
subject. Of the people who inhabit
the coasts, or the interior parts of Africa, from Cape Negro to Cape
de Voltes, an extent of about 400 leagues, we know little more than
that they are not so black as the other negroes, and that they much
resemble their neighbours the Hottentots: the latter are a people
well known, and few travellers have omitted speaking of them. They
are not Negroes,2 but Caffres;3 and their skin would be only of a
tawny hue did they not render it black with paint and
grease. M. Kolbe,4 though he has
given so minute a description of the Hottentots, considers them,
however, as Negroes. He assures us their hair is short, black,
frizled, and woolly, and that not in a single instance did he ever
perceive it long. But from this alone we are
1 Diderot, in his article “Humaine (Espèce)” in the Encyclopédie, reproduced this passage, which had been incorrectly attributed to him sometimes. [Duchet 284n91]
2 Quite true. [Duchet 284n92]
3 Incorrect. The Bushmen and the Hottentots constitute two groups quite distinct from the Kaffirs. [Duchet 284n93]
4 Peter Kolb, Description du cap de Bonne-Espérance...tirée des mémoires de M. Pierre Kolbe... [par Jean Bertrand] (Amsterdam: J. Catuffe, 1741), 3 vols. The original was in German. Kolbe’s book, well received in 1741, was by 1763 designated as a “novel woven from fables” by Abbot De La Caille, charged with astronomical observations in the Cape region, where he resided for two years (Journal historique du voyage fait au Cap). In 1777, Buffon would use other sources. [Duchet 284n94]
not |
tout le corps; que leurs femmes sont naturellement fort blanches, mais qu’afin de plaire à leurs maris elles se noircissent comme euxa. Ovington dit que les Hottentots sont plus basanez que les autres Indiens, qu’il n’y a point de peuple qui ressemble tant aux Nègres par la couleur & par les traits, que cependant ils ne sont pas si noirs, que leurs cheveux ne sont pas si crépus ni leur nez si platb.
Par tous ces témoignages il est aisé de voir que les Hottentots ne sont pas de vrais Nègres, mais des hommes qui dans la race des noirs commencent à se rapprocher du blanc, comme les Maures dans la race blanche commencent à s’approcher du noir; ces Hottentots sont au reste des espèces de Sauvages fort extraordinaires, les femmes sur-tout, qui sont beaucoup plus petites que les hommes, ont une espèce d’excroissance ou de peau dure & large qui leur croît au dessus de l’os pubis, & qui descend jusqu’au milieu des cuisses en forme de tablierc; Thevenot dit la même chose des femmes Égyptiennes, mais qu’elles ne laissent pas croître cette peau & qu’elles la brûlent avec des fers chauds, je doute que cela soit aussi vrai des Égyptiennes que des Hottentotes; quoi qu’il en soit, toutes les femmes naturelles du Cap sont
a Voyez le premier voyage du Père Tachard. Paris, 1686, page 108.
b Voyez le voyage de Jean Ovington. Paris, 1725, page 194.
c Voyez la description du Cap, par M. Kolbe, Tome I, page 91; voyez aussi le voyage de Courlai, page 291.
sujettes |
not authorised to consider them as real negroes. M.
Kolbe himself says their colour is olive, and never black, though
they take the utmost pains to render it so; [470][471] nor, in the next place,
can there be much certainty derived from the appearance of their
hair, as they never either comb or wash it, but rub it daily with
grease and soot in large quantities, which gives it the resemblance
of a fleece of black sheep loaded with dirt; besides, they are in
disposition different from the negroes. The latter are cleanly,
sedentary, and easily subjected to slavery; the former, on the other
hand, are frightfully filthy, unsettled, independent, and highly
jealous of their liberty. These contrarieties are more than
sufficient to confirm us in the opinion that the Hottentots are of a
race distinct from that of the
Negroes. Gama, who first doubled
the Cape of Good Hope, on his arrival in the bay of St. Helena, on
the 4th of November, 1479,* found the inhabitants black, short in
stature, and ugly in aspect. He does not say, however, that they
were naturally as black as the negroes, and doubtless they only
appeared to him so black as he describes, from the grease and soot
with which they are covered. The same traveller
* 1479 1497 (correct) in the original text on p. 471. [Meijer]
remarks, |
sujettes à cette monstrueuse difformité qu’elles découvrent à ceux qui ont assez de curiosité ou d’intrépidité pour demander à la voir ou à la toucher. Les hommes de leur côté sont tous à demi-eunuques, mais il est vrai qu’ils ne naissent pas tels & qu’on leur ôte un testicule ordinairement à l’âge de huit ans, & souvent plus tard. M. Kolbe dit avoir vû faire cette opération à un jeune Hottentot de dix-huit ans; les circonstances dont cette cérémonie est accompagnée, sont si singulières que je ne puis m’empêcher de les rapporter ici d’après le témoin oculaire que je viens de citer.
Après avoir bien frotté le jeune homme de la graisse des entrailles d’une brebis qu’on vient de tuer exprès, on le couche à terre sur le dos, on lui lie les mains & les pieds, & trois ou quatre de ses amis le tiennent; alors le Prêtre (car c’est une cérémonie religieuse) armé d’un couteau bien tranchant fait une incision, enlève le testicule gauche* & remet à la place une boule de graisse de la même grosseur, qui a été préparée avec quelques herbes médicinales; il coud ensuite la plaie avec l’os d’un petit oiseau qui lui sert d’aiguille & un filet de nerf de mouton; cette opération étant finie on délie le patient, mais le Prêtre avant que de le quitter le frotte avec de la graisse toute chaude de la brebis tuée, ou plûtôt il lui en arrose tout le corps avec tant d’abondance que lorsqu’elle est refroidie elle forme une espèce de croûte, il le frotte en même temps si rudement que le jeune homme qui
* Tavernier dit que c’est le testicule droit, Tome IV, page 297.
ne
|
remarks, that in the articulation of their voice
there was something similar to a sigh. [471][472] Their habits were made of
skins, and their weapons consisted of sticks hardened with the fire,
and pointed with the horn of some animal. To the arts in use among
the Negroes, the Hottentots, it is plain, are utter
strangers. The Dutch travellers1
say, that the Savages northward of the Cape are smaller than the
Europeans; that their colour is a reddish brown; that they are very
ugly, and take great pains to render themselves black; and their
hair is like that of a man who has long hung in chains. They add,
that the Hottentots are of the colour of the Mulattoes; that their
visage is unshapely; that they are meagre, of a moderate height, and
very nimble; and that their language resembles the clucking of
turkeycocks. Father Tachard2 says, that though they have commonly
hair as cottony as the Negroes, there are numbers who have it long,
and which floats upon their shoulders. He even asserts, that some of
them are as white as Europeans, but that they begrime their skin
with a mixture of grease and the powder of a certain black stone, [472][473]
and that the women are naturally fair, but they blacken themselves
to
1 Recueil des voyages qui ont servi à l'établissement et aux progrès de la Compagnie des Indes Orientales, of which the most complete edition is that of Rouen, 1725. [Meijer]
2 Guy Tachard, Voyage de Siam des Pères jésuites... (Paris, 1686). It should be remembered that the voyage to the East Indies went via the Cape of Good Hope. Therefore a great number of voyagers described the Hottentots. [Duchet 285n95]
please |
ne souffre déjà que trop, sue à grosses gouttes & fume comme un chapon qu’on rôtit; ensuite l’opérateur fait avec ses ongles des sillons dans cette croûte de suif d’une extrémité du corps à l’autre, & pisse dessus aussi copieusement qu’il le peut, après quoi il recommence à le frotter encore, & il recouvre avec la graisse les sillons remplis d’urine. Aussi-tôt chacun abandonne le patient, on le laisse seul plus mort que vif, il est obligé de se traîner comme il peut dans une petite hutte qu’on lui a bâtie exprès tout proche du lieu où c’est faite l’opération, il y périt ou il y recouvre la santé sans qu’on lui donne aucun secours, & sans aucun autre rafraîchissement ou nourriture que la graisse qui lui couvre tout le corps & qu’il peut lécher s’il le veut: au bout de deux jours il est ordinairement rétabli, alors il peut sortir & se montrer, & pour prouver qu’il est en effet parfaitement guéri, il se met à courir avec autant de légèreté qu’un cerf*.
Tous les Hottentots ont le nez fort plat & fort large, ils ne l’auroient cependant pas tel si les mères ne se faisoient un devoir de leur aplatir le nez peu de temps après leur naissance, elles regardent un nez proéminent comme une difformité; ils ont aussi les lèvres fort grosses, sur-tout la supérieure, les dents fort blanches, les sourcils épais, la tête grosse, le corps maigre, les membres menus; ils ne vivent guère passé quarante ans, la mal-propreté dans laquelle ils se plaisent & croupissent, & les viandes infectées & corrompues dont ils font leur principale
* Voyez la Description du Cap, par M. Kolbe, page 275.
nourriture, |
please their husbands. Ovington1 says, that the
Hottentots are more tawny than the other Indians; that no people
bear so strong a resemblance to the Negroes in colour and features,
but that they are less black, their hair is not so frizly, nor their
nose so flat. From all these
testimonies it is evident that the Hottentots are not real negroes,
but a people of the black race, approaching to the whites, as the
Moors of the white race do to the black. These Hottentots, moreover,
form a species of very extraordinary savages. The women, who are
much smaller than the men, have a kind of excrescence, or hard skin,
which grows over the os pubis, and descends to the middle of the
thighs in the form of an apron.2 Thevenot says the same thing of the
Egyptian women, but instead of allowing this skin to grow, they burn
it off with hot irons. I doubt whether the remark is true with
respect to the Egyptian women; but certain it is that all the female
natives of the Cape are subject to this monstrous deformity, [473][474] and
which they expose to such persons as have the curiosity to see it.
The men, though not by nature, are all demi-eunuchs, being, from an
absurd custom, deprived of one of their testicles at about the
1 John Ovington, A Voyage to Suratt in the Year 1689 (1696). It was translated from English into French in 1725. [Duchet 286n96]
2 Here Buffon followed Kolbe again. [Duchet 286n97]
age |
nourriture, sont sans doute les causes qui contribuent le plus au peu de durée de leur vie. Je pourrois m’etendre bien davantage sûr la description de ce vilain peuple, mais comme presque tous les voyageurs en ont écrit fort au long, je me contenterai d’y renvoyer*. Seulement je ne dois pas passer sous silence un fait rapporté par Tavernier, c’est que les Hollandois ayant pris une petite fille Hottentote peu de temps après sa naissance & l’ayant élevée parmi eux, elle devint aussi blanche qu’une Européenne, & il présume que tout ce peuple seroit assez blanc s’il n’étoit pas dans l’usage de se barbouiller continuellement avec des drogues noires.
En remontant le long de la côte de l’Afrique au-delà du Cap de Bonne-espérance, on trouve la terre de Natal, les habitans sont déjà différens des Hottentots, ils sont beaucoup moins mal-propres & moins laids, ils sont aussi naturellement plus noirs, ils ont le visage en ovale, le nez bien proportionné, les dents blanches, la mine agréable, les cheveux naturellement frisez, mais ils ont aussi un peu de goût pour la graisse, car ils portent des bonnets faits de suif de bœuf, & ces bonnets ont huit à dix pouces
* Voyez la description du Cap par M. Kolbe, le recueil des voyages de la Compagnie Hollandoise; le voyage de Robert Lade, traduit par M. l’Abbé Prevôt, Tome I, page 88; le voyage de Jean Ovington, celui de la Loubère, Tome II, page 134; le premier voyage du Père Tachard, page 95; celui d’Innigo de Biervillas, première partie, page 34; ceux de Tavernier, Tome IV, page 296; ceux de François Légat, Tome II, page 154; ceux de Dampier, Tome II, page 255, &c.
de |
age of eighteen years. M. Kolbe saw this operation
performed upon a young Hottentot; and the circumstances with which
the ceremony is accompanied are so singular as to merit a
recital. After having rubbed the
young man with the fat of the entrails of sheep, which had been
killed on purpose, they stretched him upon his back, and tied his
hands and his feet, while three or four of his friends held him.
Then the priest (for it is a religious ceremony1) made an incision
with a very sharp knife, took out the left testicle,2 and in its
place deposited a ball of fat of the same size, which had been
prepared with certain medicinal herbs. After sewing up the wound
with the tendon of a sheep they untied the patient; but the priest
before he left him rubbed his whole body with the hot fat of the
sheep, or rather poured it on so plentifully, that when the fat
cooled, it formed a kind of crust. [474][475] This rubbing was so violent, that
the young man, whose previous sufferings had been sufficiently
great, was now covered with large drops of sweat, and began to smoke
like a roasted capoa [sic]3. On this crust
of
1 In fact, this was a rite of passage. [Duchet 286n98]
2 Tavernier, in speaking of this strange
custom, says that it is the right testicle which they cut
off.
3 capoa capon. [Meijer] |
de hauteur, ils emploient beaucoup de temps à les faire, car il faut pour cela que le suif soit bien épuré, ils ne l’appliquent que peu à peu & le mêlent si bien dans leurs cheveux qu’il ne se défait jamaisa. M. Kolbe prétend qu’ils ont le nez plat, même de naissance & sans qu’on le leur aplatisse, & qu’ils diffèrent aussi des Hottentots en ce qu’ils ne bégayent point, qu’ils ne frappent pas leur palais de leur langue comme ces derniers, qu’ils ont des maisons, qu’ils cultivent la terre, y sèment une espèce de mays ou bled de Turquie dont ils font de la bière, boisson inconnue aux Hottentotsb.
Après la terre de Natal on trouve celle de Sofala & du Monomotapa; selon Pigafetta, les peuples de Sofala sont noirs, mais plus grands & plus gros que les autres Caffres; c’est aux environs de ce royaume de Sofala que cet Auteur place les Amazonesc, mais rien n’est plus incertain que ce qu’on a débité sur le sujet de ces femmes guerrières. Ceux du Monomotapa sont, au rapport des voyageurs Hollandois, assez grands, bien faits dans leur taille, noirs & de bonne complexion, les jeunes filles vont nues & ne portent qu’un morceau de toile de coton, mais dès qu’elles sont mariées elles prennent des vêtemensd. Ces peuples, quoiqu’assez noirs, sont différens des Nègres, ils
a Voyez les voyages de Dampier, Tome II, page 393.
b Description du Cap, Tome I, page 136.
c Vide Indiæ Orientalis partem primam, page 54.
d Voyez le recueil des voyages de la Compagnie Holl. Tome III, page 625; voyez aussi le voyage de l’Amiral Drack, seconde partie, page 99; & celui de Jean Mocquet, page 266.
n’ont |
of grease the operator then made furrows with his
nails, from one extremity to the other, and after making water in
them, he renewed his frictions, and filled up the furrows with more
grease. The instant the ceremony is concluded they leave the
patient, in general more dead than alive, yet he is obliged to crawl
in the best manner he can to a little hut, built for him on purpose,
near the spot where the operation is performed. There he perishes or
recovers without assistance or nourishment but the fat upon his
skin, which he may lick if he pleases. At the expiration of two days
he generally recovers. He is then allowed to appear abroad; and as a
proof that his recovery is complete he must run and shew himself as
nimble as a stag. Though all the
Hottentots have broad flat noses, yet they would not be so did not
their mothers, considering a prominent nose as a deformity, flatten
them immediately after their birth. Their lips are also thick, their
teeth white, their eye-brows bushy, their heads large, their bodies
meagre, and their limbs are slender. They seldom live longer than 40
years; and this short duration of life is doubtless caused by their
being continually covered with filth, and
living |
n’ont pas les traits si durs ni si laids, leur corps n’a point de mauvaise odeur, & ils ne peuvent supporter la servitude ni le travail; le Père Charlevoix dit qu’on a vû en Amérique de ces noirs du Monomotapa & de Madagascar, qu’ils n’ont jamais pû servir & qu’ils y périssent même en fort peu de tempsa.
Ces peuples de Madagascar & de Mosambique sont noirs, les uns plus & les autres moins, ceux de Madagascar ont les cheveux du sommet de la tête moins crépus que ceux de Mosambique, ni les uns ni les autres ne sont de vrais Nègres, & quoique ceux de la côte soient fort soûmis aux Portugais, ceux de l’intérieur du continent sont fort sauvages & jaloux de leur liberté, ils vont tous absolument nus, hommes & femmes, ils se nourrissent de chair d’éléphant & font commerce de l’ivoireb. Il y a des hommes de différentes espèces à Madagascar, sur-tout des noirs & des blancs qui, quoique fort basanez, semblent être d’une autre race; les premiers ont les cheveux noirs & crépus, les seconds les ont moins noirs, moins frisez & plus longs: l’opinion commune des voyageurs est que ces blancs tirent leur origine des Chinois, mais, comme le remarque fort bien François Cauche, il y a plus d’apparence qu’ils sont de race Européenne, car il assure que de tous ceux qu’il a vûs,
a Voyez l’histoire de Saint-Domingue, page 499.
b Voyez le recueil des voyages, Tome III, page 623; le voyage de Moquet, page 265; & la navigation de Jean Hugues Lintscot, page 20.
aucun |
living chiefly upon meat that is corrupted. [475][476] As most
travellers have already given very large accounts of these filthy
people, I shall only add one fact, as related by Tavernier. The
Dutch, he says, once took away a Hottentot girl, soon after her
birth, and bringing her up among themselves, she became as white as
any European. From this fact he presumes, that all the Hottentots
would be tolerably fair, were it not for their custom of perpetually
begriming themselves. Along the
coast of Africa beyond the Cape of Good Hope, we find the land of
Natal, and a people* very different from the Hottentots, being better
made, less ugly, and naturally more black. Their visage is oval,
their nose well proportioned, their teeth white, their aspect
agreeable, and their hair by nature frizly. They are also fond of
grease, and wear caps made of the fat of oxen. These caps are from
eight to ten inches high, and they take much time to make them; [476][477] for
the fat must be well refined, which they apply by little and little,
and so thoroughly intermix it with the hair that it never falls off.
Kolbe says, that from their birth and without any precaution to
render it so, their noses are flat; they also differ from the
* These are the Bantus (Zulus and “Bassoutous”). [Duchet 288n99]
Hottentots |
aucun n’avoit le nez ni le visage plats comme les Chinois; il dit aussi que ces blancs le sont plus que les Castillans, que leurs cheveux sont longs, & qu’à l’égard des noirs ils ne sont pas camus comme ceux du continent, & qu’ils ont les lèvres assez minces; il y a aussi dans cette isle une grande quantité d’hommes de couleur olivâtre ou basanée, ils proviennent apparemment du mélange des noirs & des blancs: le voyageur que je viens de citer dit que ceux de la baie de Saint-Augustin sont basanez, qu’ils n’ont point de barbe, qu’ils ont les cheveux longs & lisses, qu’ils sont de haute taille & bien proportionnez, & enfin qu’ils sont tous circoncis, quoiqu’il y ait grande apparence qu’ils n’ont jamais entendu parler de la loi de Mahomet, puisqu’ils n’ont ni temples, ni mosquées, ni religiona. Les François ont été les premiers qui aient abordé & fait un établissement dans cette isle qui ne fut pas soûtenub; lorsqu’ils y descendirent, ils y trouvèrent les hommes blancs dont nous venons de parler, & ils remarquèrent que les noirs qu’on doit regarder comme les naturels du pays, avoient du respect pour ces blancsc. Cette isle de Madagascar est extrêmement peuplée & fort abondante en pâturages & en bétail, les hommes & les femmes sont fort débauchez, & celles qui s’abandonnent publiquement ne sont pas deshonorées, ils aiment tous beaucoup à
a Voyez le voyage de François Cauche. Paris, 1671, page 45.
b Voyez le voyage de Flacour. Paris, 1661.
c Voyez la relation d’un voyage fait aux Indes par M. Delon. Amsterdam, 1699.
danser, |
Hottentots in not stuttering, nor striking the
palate with the tongue; that they have houses, cultivate the ground,
and produce from it a kind of maize, or Turkish corn, of which they
make beer, a drink unknown to the
Hottentots. After the land of
Natal, we find the territories of Sofala and Monomotapa. The people
of the former, according to Pigafetta, are black, but more tall and
lusty than the other Caffres. It is in the environs of the kingdom
of Sofola that this author places the Amazons; but nothing is more
uncertain than what has been propagated with respect to these female
warriors.* The natives of
Monomotapa, the Dutch travellers inform us, are tall, well
proportioned, black, and of good complexions. The young girls go
naked, except a bit of calico about their middle; but so soon as
they are married they put on garments. This people, notwithstanding,
their blackness, are different from the negroes; [477][478] their features are
neither so harsh nor so ugly; their bodies have no bad smell; and
they are incapable of servitude or hard labour. Father Charlevoix
says, that some blacks from Monomotapa, and from Madagascar, have
been seen
* At this time in Africa there were tribes where women warriors were charged with executing their king’s orders (e.g., Benin). [Duchet 288n100]
in |
danser, à chanter & à se divertir, &
quoiqu’ils soient fort paresseux, ils ne laissent pas d’avoir
quelque connoissance des arts méchaniques, ils ont des laboureurs,
des forgerons, des charpentiers, des potiers, & même des
orfèvres, ils n’ont cependant aucune commodité dans leurs maisons,
aucuns meubles, ils couchent sur des nattes, ils mangent la chair
presque crue & dévorent même le cuir de leurs bœufs après avoir
fait un peu griller le poil, ils mangent aussi la cire avec le miel;
les gens du peuple vont presque tout nus, les plus riches ont des
caleçons ou des jupons de coton & de
soie*. Les peuples qui habitent
l’intérieur de l’Afrique ne nous sont pas assez connus pour pouvoir
les décrire, ceux que les Arabes appellent Zingues, sont des noirs
presque sauvages, Marmol dit qu’ils multiplient prodigieusement
& qu’ils inonderoient tous les pays voisins, si de temps en
temps il n’y avoit pas une grande mortalité parmi eux causée par des
vents chauds. Il paroît par tout ce
que nous venons de rapporter, que les Nègres proprement dits sont
différens des Caffres, qui sont des noirs d’une autre espèce, mais
ce que ces descriptions indiquent encore plus clairement, c’est que
la couleur dépend principalement du climat, & que les traits
dépendent beaucoup des usages où font les différens peuples de
s’écraser le nez, de se tirer les paupières, de s’alonger les
oreilles, de se grossir les lèvres, de s’aplatir le visage, &c.
rien ne
* Voyez le voyage de Flacour, page
90; celui de Struys, Tome I, page 32; celui de Pyrard,
page 38.
prouve
|
in America; but that they could not be inured to
labour, and that they soon
died. The natives of Madagascar and
Mosambique are black, more or less. Those of Madagascar have the
hair on the crown of their head less frizly than those of
Mosambique. Neither of them are real negroes; and though those of
the coast are enslaved by the Portuguese, yet those of the internal
part of the continent are savage and jealous of their liberty. They
all go absolutely naked; they feed on the flesh of elephants, and
traffic with the ivory. In
Madagascar there are blacks and whites who, though very tawny, yet
seem a distinct race of men. The hair of the first is black and
frizly; that of the latter is less black, less frizly, and longer.
The common opinion is, that these white men derive their origin from
the Chinese. But, as Francis Cauche* justly remarks, there is a
greater probability that they are of European race; [478][479] as in all he
saw, there was not one who had either the flat face or flat nose, of
the Chinese. He likewise says, that these white men are fairer than
the Castellans; that their hair is very long; that the black men are
not flat-nosed like those of the continent; and that their lips are
thin. There are also in this island,
* François Cauche, Relation... is found in the compilation of C. B. Morisot’s Relations véritables et curieuses de l'île de Madagascar et du Brésil (Paris, 1651). [Duchet 289n101]
a
number |
prouve mieux combien le climat influe sur la
couleur, que de trouver sous le même
parallèle à plus de mille lieues de distance des peuples aussi
semblables que le sont les Sénégallois & les Nubiens, & de
voir que les Hottentots qui n’ont pû tirer leur origine que de
nations noires, sont cependant les plus blancs de tous ces peuples
de l’Afrique, parce qu’en effet ils sont dans le climat le plus
froid de cette partie du monde; & si l’on s’étonne de ce que sur
les bords du Sénégal on trouve d’un côté une nation basanée & de
l’autre côté une nation entiérement noire, on peut se souvenir de ce
que nous avons déjà insinué au sujet des effets de la nourriture,
ils doivent influer sur la couleur comme sur les autres habitudes du
corps, & si on en veut un exemple, on peut en donner un tiré des
animaux, que tout le monde est en état de vérifier; les lièvres de
plaines & des endroits aquatiques ont la chair bien plus blanche
que ceux de montagnes & des terreins secs, & dans le même
lieu ceux qui habitent la prairie sont tout différens de ceux qui
demeurent sur les collines, la couleur de la chair vient de celle du
sang & des autres humeurs du corps sur la qualité desquelles la
nourriture doit nécessairement
influer. L’origine des noirs a dans
tous les temps fait une grande question, les Anciens qui ne
connoissoient guère que ceux de Nubie, les regardoient comme faisant
la dernière nuance des peuples basanez, & ils les confondoient
avec les Ethiopiens & les autres nations de cette partie de
l’Afrique qui, quoiqu’extrêmement bruns, tiennent plus de la
race
|
a number of persons of an olive or tawny colour,
evidently produced by the intermixture of the blacks and whites. The
same traveller observes, that the natives round the bay of St.
Augustine are tawny; that they have no beard; that their hair is
long and straight; that they are tall and well proportioned; and
that they are all circumcised, though probably they never heard of
the law of Mahomet, as they have neither temples, mosques, nor
religion.1 The French, who were the
first who landed and settled upon the above island,2 found the white
men we speak of; and they remarked, that the blacks paid great
respect to them. Madagascar is exceedingly populous, and rich in
pasturage and in cattle. Both sexes are highly debauched; nor is it
a dishonour to a woman to be a prostitute. [479][480] They are fond of singing,
dancing, and pastimes in general. Though naturally very lazy, they
have some knowledge of the mechanic arts. They have husbandmen,
carpenters, potters, blacksmiths, and even goldsmiths; yet their
houses are without accommodation, and they sleep upon mats, they eat
flesh almost raw, and devour even the hides of their oxen after
burning off the hair; they also eat the wax with the honey. The
common
1 While the influence of Islam was indeed weak, not, however, that of the Arabs who had spread their astronomical and medical knowledge on the island of Madagascar. [Duchet 289n102]
2 In 1665. In 1768 Count de Maudave attempted a new settlement. The naturalist Commerson, companion of Bougainville, stayed here in 1771. Buffon used Commerson’s notes on a remarkable people of pygmies in his 1777 Additions. [Duchet 289n103]
people |
race blanche que de la race noire; ils pensoient
donc que la différente couleur des hommes ne provenoit que de la
différence du climat, & que ce qui produisoit la noirceur de ces
peuples, étoit la trop grande ardeur du soleil à laquelle ils sont
perpétuellement exposez: cette opinion, qui est fort vrai-semblable,
a souffert de grandes difficultés lorsqu’on reconnut qu’au delà de
la Nubie dans un climat encore plus méridional, & sous
l’équateur même, comme à Mélinde & à Mombaze, la
plûpart des
hommes ne sont pas noirs comme les Nubiens, mais seulement fort
basanez, & lorsqu’on eût observé qu’en transportant des noirs de
leur climat brûlant dans des pays tempérez, ils n’ont rien perdu de
leur couleur & l’ont également communiquée à leurs descendans;
mais si l’on fait attention d’un côté à la migration des différens
peuples, & de l’autre au temps qu’il faut peut-être pour noircir
ou pour blanchir une race, on verra que tout peut se concilier avec
le sentiment des Anciens, car les habitans naturels de cette partie
de l’Afrique sont les Nubiens, qui sont noirs & originairement
noirs, & qui demeureront perpétuellement noirs tant qu’ils
habiteront le même climat & qu’ils ne se mêleront pas avec les
blancs; les Ethiopiens au contraire, les Abyssins, & même ceux de
Mélinde, qui tirent leur origine des blancs, puisqu’ils ont la même
religion & les mêmes usages que les Arabes, & qu’ils leur
ressemblent par la couleur, sont à la vérité encore plus basanez que
les Arabes méridionaux, mais cela même prouve que dans une même race
d’hommes le plus ou moins de noir
dépend |
people go almost naked; but the richer classes wear
drawers, or short petticoats, of cotton and
silk. Those who inhabit the
interior parts of Africa are not sufficiently known to be justly
described. Those whom the Arabians call Zingues, are an
almost savage race of black men. Marmol says, they multiply
prodigiously, and would overrun all the neighbouring countries, were
it not for certain hot winds, which from time to time occasion a
great mortality among them. It
appears, then, from these facts, that the Negroes are blacks of a
different species from the Caffres. From the descriptions we have
given, it is also evident that the colour depends principally upon
the climate, and that the peculiarity of the features depends
greatly on the customs prevalent among different nations, such as
flattening the nose, drawing back the eyelids, plucking the hair out
of the eye-brows, lengthening the ears, thickening the lips,
flattening the visage, &c. [480][481] No stronger proof can be adduced of
the influence of climate upon colour, than finding under the same
latitude, and at the distance of 1000 leagues, two nations so
similar as those of Senegal and Nubia;
and |
dépend de la plus ou moins grande ardeur du climat;
il faut peut-être plusieurs siècles & une succession d’un grand
nombre de générations pour qu’une race blanche prenne par nuances la
couleur brune & devienne enfin tout-à-fait noire, mais il y a
apparence qu’avec le temps un peuple blanc transporté du nord à
l’équateur pourroit devenir brun & même tout-à-fait noir,
sur-tout si ce même peuple changeoit de mœurs & ne se servoit
pour nourriture que des productions du pays chaud dans lequel il
auroit été transporté.
L’objection qu’on
pourroit faire contre cette opinion & qu’on voudroit tirer de la
différence des traits, ne me paroît pas bien forte, car on peut
répondre qu’il y a moins de différence entre les traits d’un Nègre
qu’on n’aura pas défiguré dans son enfance, & les traits d’un
Européen, qu’entre ceux d’un Tartare ou d’un Chinois, & ceux
d’un Circassien ou d’un Grec; & à l’égard des cheveux leur
nature dépend si fort de celle de la peau, qu’on ne doit les
regarder que comme faisant une différence très-accidentelle,
puisqu’on trouve dans le même pays & dans la même ville des
hommes qui, quoique blancs, ne laissent pas d’avoir les cheveux
très-différens les uns des autres au point qu’on trouve, même en
France, des hommes qui les ont aussi courts & aussi crépus que
les Nègres, & que d’ailleurs on voit que le climat, le froid
& le chaud influent si fort sur la couleur des cheveux des
hommes & du poil des animaux, qu’il n’y a point de cheveux noirs
dans les royaumes du nord, & que les écureuils, les lièvres,
les
belettes |
and also that the Hottentots, who must have derived
their origin from a black race,* are whiter than any other Africans,
because the climate in which they live is the coldest. Should there
being a tawny race on one side the Senegal, and perfect blacks on
the other, be stated as an objection, it is only necessary to
recollect what has been already intimated concerning the effects of
food, which must operate upon the colour, as well as upon the
temperament of the body in general. An example may easily be had in
the brute creation. The flesh of the hares, for instance, which live
on plains and marshy places, is much more white than those which,
though in the same neighbourhood, live on mountains and dry grounds.
The colour of the flesh proceeds from that of the blood, and other
humours of the body, of which the quality is necessarily influenced
by the nature of the
nourishment. In all ages has the
origin of black men formed a grand object of enquiry. The ancients,
who hardly knew any but those of Nubia, considered them as forming
the last shade of the tawny colour; and confounded them with the
Ethiopians, and other African nations, who,
* In contrast, today’s ethnologists believe that the Bushmen and Hottentots came from the north and were driven back by the black invaders. The Hottentots’ language seems to be of “Hamitique” origin. Buffon udnerestimated the importance of the migrations which he discusses further below. [Duchet 290n104]
though |
belettes & plusieurs autres animaux y sont
blancs ou presque blancs, tandis qu’ils sont bruns ou gris dans les
pays moins froids; cette différence qui est produite par l’influence
du froid ou du chaud, est même si marquée, que dans la plûpart des
pays du nord, comme dans la Suède, certains animaux, comme les
lièvres, sont tout gris pendant l’été & tout blancs pendant
l’hiver*. Mais il y a une autre raison
beaucoup plus forte contre cette opinion, & qui d’abord paroît
invincible, c’est qu’on a découvert un continent entier, un nouveau
monde, dont la plus grande partie des terres habitées se trouvent
situées dans la zone torride, & où cependant il ne se trouve pas
un homme noir, tous les habitans de cette partie de la terre étant
plus ou moins rouges, plus ou moins basanez ou couleur de cuivre;
car on auroit dû trouver aux isles Antilles, au Mexique, au royaume
de Santa-Fé, dans la Guiane, dans le pays des Amazones & dans le
Pérou, des Nègres ou du moins des peuples noirs, puisque ces pays de
l’Amérique sont situez sous la même latitude que le Sénégal, la
Guinée & le pays d’Angola en Afrique; on auroit dû trouver au
Bresil, au Paraguai, au Chili des hommes semblables aux Caffres, aux
Hottentots, si le climat ou la distance du pôle étoit la cause de la
couleur des hommes. Mais avant que d’exposer ce qu’on peut
dire sur ce sujet, nous croyons qu’il est nécessaire de considérer
tous les différens peuples de l’Amérique comme
* Lepus apud nos œstate cinereus, hieme semper
albus. Linnæl Fauna Suecica,
pag. 8.
nous
|
though extremely brown, have more affinity [481][482] to
the white than to the black race. They concluded, that the
differences of colour in men arose solely from the difference of
climate, and that blackness was occasioned by a perpetual exposure
to the violent heat of the sun. To this opinion, which seems
probably, great objections arose, when it was known, that, in more
southern climates, and even under the equator itself, as at
Melinda, and at Mosambique,1 the generality of the inhabitants were
not black but only very tawny;2 and when it was observed that black
men, if transported into more temperate regions, lost nothing of
their colour, but communicated it to their descendants. If we
reflect on the migrations of different nations, and on the time
which is necessary to render a change in the colour, we shall find
no inconsistency in the opinion of the ancients. The real natives
of that part of Africa are Nubians,3 who were originally black, and
will perpetually remain so, while they inhabit the same climate,
and do not mix with the whites. The Ethiopians, the Abyssinians,
and even the natives of Melinda, derive their origin from the
whites, yet as their religion and customs are the same with those
of the
1 Mosambique Mombaze on p. 482. [Meijer]
2 In Kenya, the Masai, who populated this region were indeed “Hamites.” [Duchet 291n105]
3 In fact the Nubians were related to the Ethiopians and not with the Blacks. [Duchet 291n106]
Arabians,
|
nous avons considéré ceux des autres parties du
monde, après quoi nous serons plus en état de faire de justes
comparaisons & d’en tirer des résultats
généraux. En commençant par le nord on
trouve, comme nous l’avons dit, dans les parties les plus
septentrionales de l’Amérique, des espèces de Lappons semblables à
ceux d’Europe ou aux Samoïedes d’Asie; & quoiqu’ils soient peu
nombreux en comparaison de ceux-ci, ils ne laissent pas d’être
répandus dans une étendue de terre fort considérable. Ceux qui
habitent les terres du détroit de Davis, sont petits, d’un teint
olivâtre, ils ont les jambes courtes & grosses, ils sont habiles
pêcheurs, ils mangent leur poisson & leur viande cruds, leur
boisson est de l’eau pure ou du sang de chien de mer, ils sont fort
robustes & vivent fort long-tempsa.
Voilà, comme l’on voit, la figure, la couleur & les mœurs des
Lappons, & ce qu’il y a de singulier c’est que de même qu’on
trouve auprès des Lappons en Europe les Finnois qui sont blancs,
beaux, assez grands & assez bien faits, on trouve aussi auprès
de ces Lappons d’Amérique une autre espèce d’hommes qui sont grands,
bien faits & assez blancs, avec les traits du visage fort
réguliersb. Les Sauvages de la baie de
Hudson & du nord de la terre de Labrador ne paroissent pas être
de la même race que les premiers, quoiqu’ils soient laids, petits,
mal-faits, ils ont le visage presque entiérement couvert de poil
comme les Sauvages du pays d’Yeço au nord
a Voyez l’histoire naturelle des
Isles. Rotterdam, 1658, page 189. b Idem,
ibidem.
du
|
Arabians, they resemble them in colour, though
indeed more tawny than those of the southern parts. This even
proves, that, in the same race of men, the greater or less degree of
black depends on the heat of the climate. [482][483] Many ages might perhaps
elapse, before a white race would become altogether black; but there
is a probability that, in time, a white people, transported from the
north to the equator, would experience that change, especially if
they were to change their manners, and to feed solely on the
productions of the warm climate. Of
little weight is the objection which may be made to this opinion,
from the difference of the features, for in the features of a negro,
which have not been disfigured in his infancy, and the features of
an European, there is less difference than between those of a Tartar
and a Chinese, or of a Circassian and a Greek. As for the hair, its
nature depends so greatly on that of the skin, that any differences
which it produces ought to be considered as accidental, since we
find in the same country, and in the same town, men whose hair is
entirely different from one another. In France, for instance, we
meet with men whose hair is as short and frizly as that of a negro;
besides, so powerful is the
influence |
du Japon, ils habitent l’été sous des tentes faites
de peaux d’original ou de cariboua,
l’hiver ils vivent sous terre comme les Lappons & les Samoïedes,
& se couchent comme eux tous pêle-mêle sans aucune distinction,
ils vivent aussi fort long-temps, quoiqu’ils ne se nourrissent que
de chair ou de poisson crudsb. Les
Sauvages de Terre-neuve ressemblent assez à ceux du détroit de
Davis, ils sont de petite taille, ils n’ont que peu ou point de
barbe, leur visage est large & plat, leurs yeux gros, & ils
sont généralement assez camus; le voyageur qui en donne cette
description dit qu’ils ressemblent assez bien aux Sauvages du
continent septentrional & des environs du
Grœnlandc. Au
dessous de ces Sauvages qui sont répandus dans les parties les plus
septentrionales de l’Amérique, on trouve d’autres Sauvages plus
nombreux & tout différens des premiers, ces Sauvages sont ceux
du Canada & de toute la profondeur des terres jusqu’aux
Assiniboïls, ils sont tous assez grands, robustes, forts & assez
bien faits, ils ont tous les cheveux & les yeux noirs, les dents
très-blanches, le teint basané, peu de barbe, & point ou presque
point de poil en aucune partie du corps, ils sont durs &
infatigables à la marche, très-légers à la course, ils supportent
a C’est le nom qu’on donne au
Renne en Amérique. b Voyez le voyage de Robert Lade,
traduit par l’Abbé Prevôt. Paris, 1744, Tome II, page 309 &
suivantes. c Voyez le recueil des voyages au
nord. Rouen, 1716, Tome III, page 7.
aussi |
influence of climate upon the colour of the hair,
both of men and of animals, that, in the kingdoms of the north,
black hair is seldom seen; and hares, squirrels, weasels, and many
other animals, [483][484] which, in countries less cold, are brown or grey, are
there white, or nearly so. The differences produced by cold and
heat, is so conspicuous, that in Sweden hares, and certain other
animals, are grey during the summer, and white in
winter. But there is another
circumstance more powerful, and, from the first view of it, indeed
insuperable; namely, that in the New World there is not one true
black to be seen, the natives being red, tawny, or copper-coloured.
If blackness was the effect of heat the natives of the Antilles,
Mexico, Santa-Fé, Guiana, the country of the Amazons, and Peru,
would necessarily be so, since those countries of America are
situated in the same latitude with Senegal, Guinea, and Angola, in
Africa. In Brazil, Paraguay, and Chili, did the colour of men depend
upon the climate, or the distance from the pole, we might expect to
find men similar to the Caffres and Hottentots. But before we enter
into a discussion of this subject, it is necessary that we should
examine the different
natives |
aussi aisément la faim que les plus grands excès de
nourriture, ils sont hardis, courageux, fiers, graves & modérez;
enfin ils ressemblent si fort aux Tartares orientaux par la couleur
de la peau, des cheveux & des yeux, par le peu de barbe & de
poil, & aussi par le naturel & les mœurs, qu’on les croiroit
issus de cette nation, si on ne les regardoit pas comme séparez les
uns des autres par une vaste mer; ils sont aussi sous la même
latitude, ce qui prouve encore combien le climat influe sur la
couleur & même sur la figure des hommes. En un mot, on
trouve dans le nouveau continent, comme dans l’ancien, d’abord des
hommes au nord semblables aux Lappons, & aussi des hommes blancs
& à cheveux blonds semblables aux peuples du nord de l’Europe,
ensuite des hommes velus semblables aux Sauvages d’Yeço, & enfin
les Sauvages du Canada & de toute la terre ferme, jusqu’au golfe
du Mexique, qui ressemblent aux Tartares par tant d’endroits qu’on
ne douteroit pas qu’ils ne fussent Tartares en effet, si l’on
n’étoit embarrassé sur la possibilité de la migration; cependant si
l’on fait attention au petit nombre d’hommes qu’on a trouvé dans
cette étendue immense des terres de l’Amérique septentrionale, &
qu’aucun de ces hommes n’étoit encore civilisé, on ne pourra guère
se refuser à croire que toutes ces nations sauvages ne soient de
nouvelles peuplades produites par quelques individus échappez d’un
peuple plus nombreux. Il est vrai qu’on prétend que dans
l’Amérique septentrionale, en la prenant depuis le nord jusqu’aux
isles Lucayes & au Mississipi, il ne reste pas
actuellement |
natives of America, [484][485] as we shall then be more
enabled to form just comparisons, and to draw general
conclusions. In the most northern
parts of America we find a species of Laplanders similar to those of
Europe, or to the Samoiedes of Asia, and though they are few in
number yet they are diffused over a very considerable extent of
country. Those who inhabit the lands of Davis’s Straits are small,
of an olive complexion, and their limbs short and thick. They are
skilful fishers, and eat their fish and meat raw; their drink is
pure water, or the blood of the dog-fish; they are very strong, and
live to a great age. Here we see the figure, colour, and manners of
the Laplanders; and, what is truly singular, as in the neighbourhood
of the Laplanders of Europe, we meet with the Finlanders, who are
white, comely, tall, and well made; so, adjacent to the Laplanders
of America, we meet with a species of men tall, well made, white,
and with features exceedingly
regular. Of a different race* seem
the savages of Hudson’s Bay, and northward of the land of Labrador;
although small, ugly, and unshapely, their visage is almost covered
with hair, like
* Nevertheless, these are Eskimos, widely distributed in the entire Arctic area. [Duchet 293n107]
the |
actuellement la vingtième partie du nombre des
peuples naturels qui y étoient lorsqu’on en fit la découverte, &
que ces nations sauvages ont été ou détruites ou réduites à un si
petit nombre d’hommes, que nous ne devons pas tout-à-fait en juger
aujourd’hui comme nous en aurions jugé dans ce temps; mais quand
même on accorderoit que l’Amérique septentrionale avoit alors vingt
fois plus d’habitans qu’il n’en reste aujourd’hui, cela n’empêche
pas qu’on ne dût la considérer dès-lors comme une terre déserte ou
si nouvellement peuplée, que les hommes n’avoient pas encore eu le
temps de s’y multiplier. M. Fabry que j’ai cité* & qui a
fait un très-long voyage dans la profondeur des terres au nord-ouest
du Mississipi où personne n’avoit encore pénétré, & où par
conséquent les nations sauvages n’ont pas été détruites, m’a assuré
que cette partie de l’Amérique est si déserte qu’il a souvent fait
cent & deux cens lieues sans trouver une face humaine ni aucun
autre vestige qui pût indiquer qu’il y eût quelque habitation
voisine des lieux qu’il parcouroit, & lorsqu’il rencontroit
quelques-unes de ces habitations, c’étoit toûjours à des distances
extrêmement grandes les unes des autres, & dans chacune il n’y
avoit souvent qu’une seule famille, quelquefois deux ou trois, mais
rarement plus de vingt personnes ensemble, & ces vingt personnes
étoient éloignées de cent lieues de vingt autres personnes. Il
est vrai que le long des fleuves & des lacs que l’on a
* Voyez l’histoire naturelle, générale &
particulière. Paris, 1749. Tome I, page
340.
remontez |
the savages of Jesso, northward of Japan: [485][486] in summer
they dwell in tents made of skins of the rein-deer; in winter they
live under ground, like the Laplanders and the Samoiedes, and sleep
together promiscuously without the smallest ceremony. They live to a
great age, though they feed on nothing but raw meat and fish. The
savages of Newfoundland resemble those of Davis’s Straits, they are
low in stature, have little or no beard, broad and flat faces; large
eyes and flat nosed; they are also far from being unlike the savages
in the environs of
Greenland. Besides these savages,
who are scattered over the most northern parts of America, we find a
more numerous and different race in Canada, and who occupy the vast
extent of territory as far as the Assiniboils.* These are all tall,
robust, and well-made; have black hair and eyes, teeth very white, a
tawny complexion, little beard, and hardly a vestige of hair on
their bodies; they are hardy, indefatigable travellers, and very
nimble runners. [486][487] They are alike unaffected by excesses of hunger, or
of eating; they are bold, hardy, grave, and sedate. So strongly,
indeed, do they resemble the Oriental Tartars in colour, form, and
features, as also in disposition,
* Assiniboils or Assiniboins. They were also known as “Assinipoels” in the eighteenth century. These are the Sioux of today. They had been driven southward by the Algonquins, who are the subject here. [Duchet 294n108]
and |
remontez ou suivis, on a trouvé des nations sauvages composées d’un bien
plus grand nombre d’hommes, & qu’il en reste encore
quelques-unes qui ne laissent pas d’être assez nombreuses pour
inquiéter quelquefois les habitans de nos Colonies; mais ces nations
les plus nombreuses se réduisent à trois ou quatre mille personnes,
& ces trois ou quatre milles personnes sont répandues dans un
espace de terrein souvent plus grand que tout le royaume de France,
de sorte que je suis persuadé qu’on pourroit avancer, sans craindre
de se tromper, que dans une seule ville comme Paris il y a plus
d’hommes qu’il n’y a de sauvages dans toute cette partie de
l’Amérique septentrionale comprise entre la mer du nord & la mer
du sud, depuis le golfe du Mexique jusqu’au nord, quoique cette
étendue de terre soit beaucoup plus grande que toute
l’Europe. La multiplication des hommes
tient encore plus à la société qu’à la Nature, & les hommes ne
sont si nombreux en comparaison des animaux sauvages que parce
qu’ils se sont réunis en société, qu’ils se sont aidez, défendus,
sécourus mutuellement. Dans cette partie de l’Amérique dont
nous venons de parler, les Bisons* sont peut-être plus abondans que
les hommes; mais de la même façon que le nombre des hommes ne peut
augmenter considérablement que par leur réunion en société, c’est le
nombre des hommes déjà augmenté à un certain point qui produit
presque nécessairement la société, il est donc à présumer
* Espèce de bœufs sauvages différens de nos
bœufs.
que
|
[486][487] and manners, that, were they not separated by an
immense sea, we should conclude them to have descended from that
nation. In point of latitude, their situation is also the same; and
this further proves the influence of the climate, not only on the
colour, but the figure of men. In a word, in the new continent as in
the old, we find, at first, in the northern parts, men similar to
the Laplanders, and likewise whites with fair hair, like the
inhabitants of the north of Europe; then hairy men like the savages
of Jesso; and lastly, the savages of Canada, and of the whole
continent to the gulph1 of Mexico, who
resemble the Tartars in so many respects, that we should not
entertain a doubt of their being the same people, were we not
embarrassed about the possibility of their migration2 thither. Yet,
if we reflect on the small number of men found upon this extent of
ground, and on their being entirely uncivilized, we shall be
inclined to believe these savage nations were new colonies produced
by a few individuals from some other country. It is asserted that
North America does not contain the [487][488] twentieth part of the natives it
did when originally discovered; allowing that to be the fact, we
still are
1 gulph gulf. [Meijer]
2 The successive migrations probably brought into America very diverse groups coming from Asia through the Bering Strait. [Duchet 294n109]
authorised |
que comme l’on n’a trouvé dans toute cette partie
de l’Amérique aucune nation civilisée, le nombre des hommes y étoit
encore trop petit & leur établissement dans ces contrées trop
nouveau pour qu’ils aient pû sentir la nécessité ou même les
avantages de se réunir en société; car quoique ces nations sauvages
eussent des espèces de mœurs ou de coûtumes particulières à chacune,
& que les unes fussent plus ou moins farouches, plus ou moins
cruelles, plus ou moins courageuses, elles étoient toutes également
stupides, également ignorantes, également dénuées d’arts &
d’industrie. Je ne crois donc pas devoir
m’étendre beaucoup sur ce qui a rapport aux coûtumes de ces nations
sauvages, tous les Auteurs qui en ont parlé n’ont pas fait attention
que ce qu’ils nous donnoient pour des usages constans & pour les
mœurs d’une société d’hommes, n’étoit que des actions particulières
à quelques individus souvent déterminez par les circonstances ou par
le caprice; certaines nations, nous disent-ils, mangent leurs
ennemis, d’autres les brûlent, d’autres les mutilent, les unes sont
perpétuellement en guerre, d’autres cherchent à vivre en paix; chez
les unes on tue son père lorsqu’il a atteint un certain âge, chez
les autres les pères & mères mangent leurs enfans, toutes ces
histoires sur lesquelles les voyageurs se sont étendus avec tant de
complaisance se réduisent à des récits de faits particuliers, &
signifient seulement que tel sauvage a mangé son ennemi, tel autre
l’a brûlé ou mutilé, tel autre a tué ou mangé son enfant, & tout
cela peut se
trouver |
authorised to consider it then, from the scantiness
of its inhabitants, as a land either deserted, or so recently
peopled,* that its inhabitants had not had time for a considerable
multiplication. M. Fabry, who travelled a prodigious way to the
north-west of the Mississippi, and visited places where no European
had been, and where consequently the savage inhabitants could not
have been destroyed by them, says that he often travelled 200
leagues without observing a single human face, or the smallest
vestige of a habitation; that whenever he did meet with any
habitations, they were always at immense distances from each other,
and then never above 20 persons together. [488][489] Along the lakes, and the
rivers, it is true, the savages are more populous, some sufficiently
so as to molest occasionally the inhabitants of our colonies. The
most considerable of these, nevertheless, do not exceed 3 or 4000
persons, and are dispersed over a space of ground frequently more
extensive than the kingdom of France. I am fully persuaded there are
more men in the city of Paris, than there are savages in north
America, from the gulph of Mexico to the furthest extremity north,
an extent of ground larger than all Europe.
* Archaeological remains demonstrate that the Amerindians were already settled in America 25,000 years ago. [Duchet 295n110]
The |
trouver dans une seule nation de sauvages comme
dans plusieurs nations, car toute nation où il n’y a ni régle, ni
loi, ni maître, ni société habituelle, est moins une nation qu’un
assemblage tumultueux d’hommes barbares & indépendans, qui
n’obéissent qu’à leurs passions particulières, & qui ne pouvant
avoir un intérêt commun, sont incapables de se diriger vers un même
but & de se soûmettre à des usages constans, qui tous supposent
une suite de desseins raisonnez & approuvez par le plus grand
nombre. La même nation, dira-t-on, est
composée d’hommes qui se reconnoissent, qui parlent la même langue,
qui se réunissent, lorsqu’il le faut, sous un chef, qui s’arment de même, qui hurlent de la même façon, qui se barbouillent de la même couleur; oui si ces
usages étoient constans, s’ils ne se réunissoient pas souvent sans
savoir pourquoi, s’ils ne se séparoient pas sans raison, si leur
chef ne cessoit pas de l’être par son caprice ou par le leur, si
leur langue même n’étoit pas si simple qu’elle leur est presque
commune à tous. Comme ils n’ont qu’un
très-petit nombre d’idées, ils n’ont aussi qu’une très-petite
quantité d’expressions, qui toutes ne peuvent rouler que sur les
choses les plus générales & les objets les plus communs; &
quand même la plûpart de ces expressions seroient différentes, comme
elles se réduisent à un fort petit nombre de termes, ils ne peuvent
manquer de s’entendre en très-peu de temps, & il doit être plus
facile à un sauvage d’entendre & de
parler |
The multiplication of
the human species depends more on society than nature. Men would not
have been comparatively so numerous as wild beasts, had they not
associated together, and given aid and succour to each other. In
North America, the Bison* is perhaps more frequently to be
seen than a man. But though society may be one great cause of
population, yet it is the increased number of men that necessarily
produces unity. [489][490] It is to be presumed therefore that the want of
civilization in America was owing to the small number of the
inhabitants, for though each nation might have manners and customs
peculiar to itself; though some might be more fierce, cruel,
courageous, or dastardly than others; they were yet all equally
stupid, ignorant, unacquainted with the arts, and destitute of
industry. To dwell longer on the
customs of savage nations would be unnecessary. Authors have often
given for the established manners of a community, what were nothing
more than actions peculiar to a few individuals, and often
determined by circumstances, or caprice. Some
nations
* A kind of wild bull, different from the
European bull. |
parler toutes les langues des autres sauvages,
qu’il ne l’est à un homme d’une nation policée d’apprendre celle
d’une autre nation également policée.
Autant il est donc inutile de se trop étendre sur les coûtumes &
les mœurs de ces prétendues nations, autant il seroit peut-être
nécessaire d’examiner la nature de l’individu; l’homme sauvage est
en effet de tous les animaux le plus singulier, le moins connu,
& le plus difficile à décrire, mais nous distinguons si peu ce
que la Nature seule nous a donné de ce que l’éducation, l’imitation,
l’art & l’exemple nous ont communiqué, ou nous le confondons si
bien, qu’il ne seroit pas étonnant que nous nous méconnussions
totalement au portrait d’un sauvage, s’il nous étoit présenté avec
les vraies couleurs & les seuls traits naturels qui doivent en
faire le caractère. Un sauvage
absolument sauvage, tel que l’enfant élevé avec les ours, dont parle
Conor*, le jeune homme trouvé dans les forêts d’Hanover, ou la
petite fille trouvée dans les bois en France, seroient un spectacle
curieux pour un philosophe, il pourroit en observant son sauvage,
évaluer au juste la force des appétits de la Nature, il y verroit
l’ame à découvert, il en distingueroit tous les mouvemens naturels,
& peut-être y reconnoîtroit-il plus de douceur, de tranquillité
& de calme que dans la sienne, peut-être verroit-il clairement
que la vertu appartient à l’homme sauvage plus qu’à l’homme
* Evang. Med. page 133, &c.
civilisé |
nations tell us, they eat their enemies, others
burn, and some mutilate them; one nation is perpetually at war, and
another loves to live in peace; in one country, the child kills his
parent, when arrived at a certain age, and in another the parents
eat their children. All these stories, on which travellers have so
much enlarged, mean nothing more than that one individual savage had
devoured his enemy, another had burned or mutilated him, and a third
had killed and eaten his child. [490][491] All these things may happen in every
savage nation; for a people among whom there is no regular
government, no law, no habitual society, ought rather to be termed a
tumultuous assemblage of barbarous and independent individuals, who
obey nothing but their own private passions, and who have no common
interest, are incapable of pursuing one object, and submitting to
settled usages which supposes general designs, founded on reason,
and approved of by the majority. A
nation, it may be replied, is composed of men who are no strangers
to each other, who speak the same language, who unite, when
necessity calls, under the same chief, who arm themselves in the
same fashion, and daub
themselves |
civilisé, & que le vice n’a pris naissance que
dans la société. Mais revenons à notre
principal objet: si l’on n’a rencontré dans toute l’Amérique
septentrionale que des sauvages, on a trouvé au Mexique & au
Pérou des hommes civilisez, des peuples policez, soûmis à des loix
& gouvernez par des Rois, ils avoient de l’industrie, des arts
& une espèce de religion, ils habitoient dans des villes où
l’ordre & la police étoient maintenus par l’autorité du
Souverain: ces peuples, qui d’ailleurs étoient assez nombreux, ne
peuvent pas être regardez comme des nations nouvelles ou des hommes
provenus de quelques individus échappez des peuples de l’Europe ou de
l’Asie, dont ils sont si éloignez; d’ailleurs si les sauvages de
l’Amérique septentrionale ressemblent aux Tartares parce qu’ils sont
situez sous la même latitude, ceux-ci qui sont, comme les Nègres,
sous la zone torride, ne leur ressemblent point, quelle est donc
l’origine de ces peuples, & quelle est aussi la vraie cause de
la différence de couleur dans les hommes, puisque celle de
l’influence du climat se trouve ici tout-à-fait
démentie? Avant que de satisfaire,
autant que je le pourrai, à ces questions, il faut continuer notre
examen, & donner la description de ces hommes qui paroissent en
effet si différens de ce qu’ils devroient être, si la distance du
pôle étoit la cause principale de la variété qui se trouve dans
l’espèce humaine; nous avons déjà donné celle des sauvages du nord
& des sauvages du Canada*, ceux de la
* Voyez à ce sujet les voyages du Baron de
la Hontan. La Haye, 1702; la relation de la
Gaspesie, par le P. le Clercq, Récolet. Paris, 1691, pages 44
& 392; la description de la nouvelle France, par le P.
Charlevois. Paris, 1744, Tome I, pages 16 & suivantes.
Tome III, pp. 24, 302, 310, 323; les Lettres édifiantes,
Recueil XXIII, p. 203 & 242; & le voyage au pays des
Hurons, par Gabriel Sabard Theodat, Récolet. Paris, 1632,
pages 128 & 178; le voyage de la nouvelle France, par
Dierville. Rouen, 1708, p. 122 jusqu’à 191; & les
découvertes de M. de la Salle, publiées par M. le Chevalier Tonti.
Paris, 1697, pages 24, 58, &c.
Floride |
themselves of the same colour. With truth might the
remark be made, if these usages were established; if savages did not
often assemble they know not how, and disperse they know not why; if
their chief did not cease to be so, whenever it suited their
caprice, or his own; and if their language was not so simple as to
be, with little variation, the language of every
tribe. As they have but few ideas,
their expressions turn upon things the most general, and objects the
most common; [491][492] and, though the majority of their expressions were
different, yet the smallness of their number renders them easily
understood; and more easily, therefore, may a savage learn the
languages of all other savages, than the inhabitants of one polished
nation acquire a bare comprehension of the language of any other
nation equally
civilized. Unnecessary as it may be
to enlarge on the customs and manners of these pretended nations,
yet it may be important to examine the nature of the individual. Of
all animals a savage man is the most singular, the least known, and
the most difficult to describe; and so little are we qualified to
distinguish the gifts of nature from what is acquired by education,
art and imitation, that it would not be surprising to
find |
Floride, du Mississipi & des autres parties
méridionales du continent de l’Amérique septentrionale sont plus
basanez que ceux du Canada, sans cependant qu’on puisse dire qu’ils
soient bruns, l’huile & les couleurs dont ils se frottent le
corps, les font paroître plus olivâtres qu’ils ne le sont en
effet. Coreal dit que les femmes de la Floride sont grandes,
fortes & de couleur olivâtre comme les hommes, qu’elles ont les
bras, les jambes & le corps peints de plusieurs couleurs qui
sont ineffaçables, parce qu’elles ont été imprimées dans les chairs
par le moyen de plusieurs piqûres, & que la couleur olivâtre des
uns & des autres ne vient pas tant de l’ardeur du soleil que de
certaines huiles dont, pour ainsi dire, ils se vernissent la peau;
il ajoûte que ces femmes sont fort agiles, qu’elles passent à la
nage de grandes rivières en tenant même leur enfant avec le bras,
& qu’elles grimpent avec une pareille agilité sur les arbres les
plus élevez*, tout cela leur est commun avec les femmes sauvages du
Canada & des autres contrées de l’Amérique. L’Auteur de
l’histoire naturelle & morale des Antilles dit que les
* Voyez
le voyage de Coreal. Paris, 1722, Tome I, page 36.
Apalachites, |
find we had totally mistaken the picture of a
savage, although it were presented to us in its real colours, and
with its natural features. An
absolute savage, such as a boy reared among bears, as mentioned by
Conor,* the young man found in the forest of Hanover, or the girl in
the woods in France, would be a curious object to a philosopher; in
observing which he might be able to ascertain the force of natural
appetites; he would see the mind undisguised, and distinguish all
its movements; and, possibly, he might discover in it more mildness,
serenity, and peace, than in his own; he might also perceive, that
virtue belongs more to the savage than to the civilized man, and
that vice owes its birth to
society. [492][493] But let us return to our
subject. If in North America there were none but savages, in Mexico
and Peru we found a polished people, subjected to laws, governed by
kings, industrious, acquainted with the arts, and not destitute of
religion. They lived in towns where the civil government was
superintended by the sovereign. These people, who were very
populous, cannot be considered as new colonies sprung from
individuals who had wandered from Europe or Asia, from which they
* Bernard Conor, in Evangelium medici: medicina mystica (1697), spoke of a bear-child discovered in Lithuania in 1694. Wild Peter was discovered in the Hanover forest in 1724, and the little girl found in the woods in Champagne, France was the girl of Sogny, were discussed by Louis Racine and especially by La Condamine, Histoire d’un jeune fille sauvage... (1755). These three examples were cited by Rousseau, along with two more, in Footnote C of his Second Discours. On this subject, cf. Lucien Malson, Les Enfants Sauvages, myth et réalité, Collection 10-18 (with a bibliography and a table of all the cases). [Duchet 297n111]
are |
Apalachites, peuples voisins de la Floride, sont
des hommes d’une assez grande stature, de couleur olivâtre, &
bien proportionnez; qu’ils ont tous les cheveux noirs & longs,
& il ajoûte que les Caraïbes ou Sauvages des isles Antilles
sortent de ces Sauvages de la Floride, & qu’ils se souviennent
même par tradition du temps de leur
migration*. Les naturels des isles
Lucaies sont moins basanez que ceux de Saint-Domingue & de
l’isle de Cube, mais il reste si peu des uns & des autres
aujourd’hui qu’on ne peut guère vérifier ce que nous en ont dit les
premiers voyageurs qui ont parlé de ces peuples, ils ont prétendu
qu’ils étoient fort nombreux & gouvernez par des espèces de
chefs qu’ils appelloient Caciques, qu’ils avoient aussi des espèces
de prêtres, de médecins ou de devins, mais tout cela est assez
apocryphe, & importe d’ailleurs assez peu à notre histoire. Les
Caraïbes en général sont, selon le P. du Tertre, des hommes d’une
belle taille & de bonne mine; ils sont puissans, forts &
robustes, très-dispos & très-sains; il y en a plusieurs qui ont
le front plat & le nez aplati, mais cette forme du visage &
du nez ne leur est pas naturelle, ce sont les pères & mères qui
aplatissent ainsi la tête de l’enfant quelque temps après qu’il est
né; cette espèce de caprice qu’ont les Sauvages d’altérer la figure
naturelle de la tête, est assez générale dans toutes les nations
sauvages:
* Voyez l’histoire naturelle & morale
des isles Antilles. Rotterdam, 1658, page 351 & 356.
presque |
are so remote; besides, though the Savages of North
America resemble the Tartars, by their being situated in the same
latitude, yet the natives of Mexico and Peru, though they live, like
the Negroes, under the torrid zone, have not the smallest
resemblance to them. Whence then, shall we trace the origin of these
people? and whence proceeds the cause of the difference of colour in
the human species, since the influence of climate is, in this case,
entirely overthrown? Previous to
answering these questions let us pursue our inquiries respecting the
Savages of South America. [493][494] Those of Florida, of the Mississippi, and
of the other southern parts of this continent, are more tawny than
those of Canada, though not positively brown, the oil and colours
with which they rub their bodies, giving them an olive hue which
does not naturally belong to them. Coreal* says, that the women of
Florida are tall, strong, and of an olive complexion, like the men;
that they paint their arms, legs, and bodies, with several colours,
which as they are imprinted into the flesh by little incisions, are
indelible; and that the olive colour of both sexes proceeds not so
much from the heat of the climate as from the
* François Coréal, Voyages de François Coréal aux Indes Occidentales, contenant ce qu’il y a vu de plus remarquable pendant son séjour... (Amsterdam: J.-F. Bernard, 1722), 3 vols. The original was in Spanish. [Duchet 298n112]
oils |
presque tous les Caraïbes ont les yeux noirs &
assez petits, mais la disposition de leur front & de leur visage
les fait paroître assez gros; ils ont les dents belles, blanches
& bien rangées, les cheveux longs & lisses, & tous les
ont noirs, on n’en a jamais vû un seul avec des cheveux blonds; ils
ont la peau basanée ou couleur d’olive, & même le blanc des yeux
en tient un peu; cette couleur basanée leur est naturelle & ne
provient pas uniquement, comme quelques Auteurs l’ont avancé, du
rocou dont ils se frottent continuellement, puisque l’on a remarqué
que les enfans de ces Sauvages qu’on a élevez parmi les Européens
& qui ne se frottoient jamais de ces couleurs, ne laissoient pas
d’être basanez & olivâtres comme leurs pères & mères; tous
ces Sauvages ont l’air rêveur, quoiqu’ils ne pensent à rien, ils ont
aussi le visage triste & ils paroissent êtres mélancoliques; ils
sont naturellement doux & compatissans, quoique très-cruels à
leurs ennemis; ils prennent assez indifféremment pour femmes leurs
parentes ou des étrangères; leurs cousines germaines leur
appartiennent de droit, & on en a vû plusieurs qui avoient en
même temps les deux sœurs ou la mère & la fille, & même leur
propre fille; ceux qui ont plusieurs femmes les voient tour à tour
chacune pendant un mois, ou un nombre de jours égal, & cela
suffit pour que ces femmes n’aient aucune jalousie; ils pardonnent
assez volontiers l’adultère à leurs femmes, mais jamais à celui qui
les a débauchées. Ils se nourrissent de burgaux, de crabes, de
tortues, de lézards, de serpens & de poissons qu’ils
assaisonnent |
oils with which they varnish their skin. He adds,
that the women are remarkably active; that they swim over great
rivers with a child in their arms, and that they climb up the
loftiest trees with equal agility. In all of these particulars they
entirely resemble the savage women of Canada, and other countries of
America. Speaking of the
Apalachitos, a people in the vicinage of Florida, the author1 of the
“Histoire Naturelle et Morale des Antilles,” says, [494][495] that they are of
a large stature, of an olive colour, and well proportioned; and that
their hair is black and long. He adds, that the Caribbees, who
inhabit the Antilles, are sprung from the savages of Florida,2 and
that they even know, by tradition, the period of their
migration. The natives of the Lucai
islands3 are less tawny than those of St. Domingo and Cuba; but there
remain so few of either that we can hardly verify what the first
travellers mention of the inhabitants. It has been pretended that
they were very numerous, and governed by chiefs whom they call
caciques; that they had priests and physicians; but this is
all very problematical, and is of little consequence to our history.
The Caribbees,4 in general, according
1 Jean-Baptiste Du Tertre, Histoire naturelle et morale des îles Antilles de l’Amérique, avec un vocabulaire caraïbe... (Rotterdam: A. Leers, 1654). Published by César de Rochefort in 1660. [Duchet 299n113]
2 The Caribs. The first Arawak and Taino [now extinct] tribes, came to the Antilles from America, were hunted by the Caribs. But the point of departure of these migrations was South America — Venezuela and Guiana — not Florida. [Duchet 299n114]
3 The Bahamas. [Duchet 299n115]
4 Caribbees Caribs. [Meijer]
to |
assaisonnent avec du piment & de la farine de
manioc*. Comme ils sont extrêmement paresseux & accoûtumez à la
plus grande indépendance, ils détestent la servitude, & on n’a
jamais pû s’en servir comme on se sert des Nègres; il n’y a rien
qu’ils ne soient capables de faire pour se remettre en liberté,
& lorsqu’ils voient que cela leur est impossible, ils aiment
mieux se laisser mourir de faim & de mélancolie que de vivre
pour travailler: on s’est quelquefois servi des Arrouagues qui sont
plus doux que les Caraïbes, mais ce n’est que pour la chasse &
pour la pêche, exercices qu’ils aiment, & auxquels ils sont
accoûtumez dans leur pays; & encore faut-il, si l’on veut
conserver ces esclaves sauvages, les traiter avec autant de douceur
au moins que nous traitons nos domestiques en France, sans cela ils
s’enfuient ou périssent de mélancolie. Il en est à peu près de
même des esclaves Bresiliens, quoique ce soient de tous les sauvages
ceux qui paroissent être les moins stupides, les moins mélancoliques
& les moins paresseux; cependant on peut en les traitant avec
bonté les engager à tout faire, si ce n’est de travailler à la terre,
parce qu’ils s’imaginent que la culture de la terre est ce qui
caractérise l’esclavage. Les femmes
sauvages sont toutes plus petites que les hommes, celles des
Caraïbes sont grasses & assez bien faites, elles ont les yeux
& les cheveux noirs, le tour du
* Voyez l’Hist. gén. des Antilles, par le P.
du Tertre, Tome II, page 453 jusqu’à 482. Voyez aussi les
nouveaux voyages aux Isles. Paris, 1722.
visage |
to Father du Tertre, are tall, and of a good
aspect: they are potent, robust, active, and healthy. Numbers of
them have flat foreheads and noses, but these features are entirely
the work of the parents, soon after their birth. In all savage
nations this caprice of altering the natural figure of the head is
very frequent. [495][496] Most of the Caribbees have little black eyes,
beautiful white teeth, and long smooth black hair. Their skin is
tawny, or olive, and even the whites of their eyes are rather of
that hue. This is their natural colour, and not produced by the use
of the rocoa, as some authors have asserted, for several of the
children of these savages, who were educated among the Europeans,
and not allowed the use of paint, retained the same complexion as
their parents. The whole of this savage tribe, though their thoughts
are seldom employed, have a pensive air. They are naturally mild and
compassionate, though exceedingly cruel to their enemies. They
esteem it indifferent whom they marry, whether relations or
strangers. Their first cousins belong to them by right, and many
have been known to have at one time two sisters, or a mother and her
daughter, and even their own child. Those who have many wives
visit |
visage rond, la bouche petite, les dents fort
blanches, l’air plus gai, plus riant & plus ouvert que les
hommes; elles ont cependant de la modestie & sont assez
réservées; elles se barbouillent de rocou, mais elles ne se font pas
les raies noires sur le visage & sur le corps comme les hommes;
elles ne portent qu’un petit tablier de huit ou dix pouces de
largeur sur cinq à six pouces de hauteur, ce tablier est
ordinairement de toile de coton couverte de petits grains de verre;
ils ont cette toile & cette rassade des Européens, qui en font
commerce avec eux: ces femmes portent aussi plusieurs colliers de
rassade, qui leur environnent le col & descendent sur leur sein;
elles ont des brasselets de même espèce aux poignets & au dessus
des coudes, & des pendans d’oreilles de pierre bleue ou de
grains de verre enfilez: un dernier ornement qui leur est
particulier, & que les hommes n’ont jamais, c’est une espèce de
brodequins de toile de coton garnis de rassade, qui prend depuis la
cheville du pied jusqu’au dessus du gras de jambe; dès que les
filles ont atteint l’âge de puberté, on leur donne un tablier, &
on leur fait en même temps des brodequins aux jambes, qu’elles ne
peuvent jamais ôter, ils sont si serrez qu’ils ne peuvent ni monter
ni descendre, & comme ils empêchent le bas de la jambe de
grossir, les molets deviennent beaucoup plus gros & plus fermes
qu’ils ne le seroient naturellement*.
Les peuples qui habitent actuellement le Mexique &
* Voyez les nouveaux voyages aux Isles,
Tome II, page 8 & suit.
la
nouvelle |
visit them in turn, and stay a month, or a certain
numbers [sic] of days, which precludes all jealousy among the women. They
readily forgive their wives for adultery, but are implacable enemies
to the man who debauches them. They feed on lizards, serpents,
crabs, turtles and fishes, [496][497] which they season with pimento, and the
flower1 of manioc. Lazy to an excess, and accustomed to the greatest
independence, they detest slavery, and can never be rendered so
useful as the Negroes. For the preservation of their liberty they
make every exertion; and when they find it impossible, will rather
die of hunger or despair than live and be obliged to work. Attempts
have been made to employ the Arrouaguas,2 who are milder than the
Caribbees, but who are only fit for hunting and fishing; exercises
of which, being accustomed to them in their own country; they are
particularly fond. If these savages are not used with at least as
much mildness as domestics generally are in the civilized nations of
Europe, they either run away or pine themselves to death. Nearly the
same is it with the slaves of Brazil; of all Savages these seem to
be the least stupid, indolent, or melancholy. Treated with
gentleness, however, they will
1 flower flour. [Meijer]
2 The Arawaks. [Duchet 300n116]
do |
la nouvelle Espagne, sont si mêlez, qu’à peine
trouve-t on deux visages qui soient de la même couleur; il y a dans
la ville de Mexico des blancs d’Europe, des Indiens du nord & du
sud de l’Amérique, des nègres d’Afrique, des mulâtres, des métis, en
sorte qu’on y voit des hommes de toutes les nuances de couleurs qui
peuvent être entre le blanc & le
noira. Les naturels du pays sont fort
bruns & de couleur d’olive, bien faits & dispos, ils ont peu
de poil, même aux sourcils, ils ont cependant tous les cheveux fort
longs & fort noirsb.
Selon Wafer, les habitans de l’isthme
de l’Amérique sont ordinairement de bonne taille & d’une jolie
tournure, ils ont la jambe fine, les bras bien faits, la poitrine
large, ils sont actifs & légers à la course; les femmes sont
petites & ramassées, & n’ont pas la vivacité des hommes,
quoique les jeunes aient de l’embonpoint, la taille jolie &
l’œil vif: les uns & les autres ont le visage rond, le nez gros
& court, les yeux grands, & pour la plûpart gris, pétillans
& pleins de feu, sur-tout dans la jeunesse, le front élevé, les
dents blanches & bien rangées, les lèvres minces, la bouche
d’une grandeur médiocre, & en gros, tous les traits assez
réguliers. Ils ont aussi tous, hommes & femmes, les cheveux
noirs, longs, plats & rudes, & les hommes auroient de la
barbe s’ils ne se la faisoient arracher; ils ont le teint basané, de
couleur de cuivre jaune ou d’orange, & les sourcils noirs comme
du jais.
a Voyez les Lettres
édifiantes. Recueil XI, page 119.
b Voyez les
voyages de Coreal, Tome I, page 116.
Ces |
do whatever they are desired, unless it be to
cultivate the ground, for tillage they conceive to be the
characteristic badge of
slavery. Savage women are all
smaller than the men. Those of the Caribbees are fat, and tolerably
handsome; their eyes and hair are black, their visage round, [497][498] their
mouth small, their teeth white, and their carriage more gay,
cheerful, and open, than that of the men. Yet are they modest and
reserved. They daub themselves with rocon, [sic]* but do not, like the men,
make black streaks upon the face and body. Their dress consists of a
kind of apron, in breadth about eight or ten inches, and in length
about five or six. This apron is generally made of calico, and
covered with small glass beads, both which commodities they purchase
from the Europeans. They likewise wear necklaces, which descend over
the breast, as also bracelets round the wrists and elbows, and
pendants in their ears, of blue stone, or of glass beads. Another
ornament peculiar to the sex is, a kind of buskin, made of calico,
and garnished with glass beads, which extends from the ankle to the
calf of the leg. On their attaining the age of puberty the girls
receive an apron and a pair of buskins, which are made
* rocon rocoa. [Meijer]
exactly |
Ces peuples que nous
venons de décrire, ne sont pas les seuls habitans naturels de
l’Isthme, on trouve parmi eux des hommes tout différens, &
quoiqu’ils soient en très-petit nombre, ils méritent d’être
remarquez: ces hommes sont blancs, mais ce blanc n’est pas celui des
Européens, c’est plûtôt un blanc de lait, qui approche beaucoup de
la couleur du poil d’un cheval blanc; leur peau est aussi toute
couverte, plus ou moins, d’une espèce de duvet court &
blancheâtre, mais qui n’est pas si épais sur les joues & sur le
front, qu’on ne puisse aisément distinguer la peau; leurs sourcils
sont d’un blanc de lait, aussi-bien que leurs cheveux qui sont
très-beaux, de la longueur de sept à huit pouces & à
demi-frisez. Ces Indiens, hommes & femmes, ne sont pas si grands
que les autres, & ce qu’ils ont encore de très-singulier, c’est
que leurs paupières sont d’une figure oblongue, ou plûtôt en forme
de croissant dont les pointes tournent en bas; ils ont les yeux si
foibles qu’ils ne voient presque pas en plein jour, ils ne peuvent
supporter la lumière du soleil, & ne voient bien qu’à celle de
la lune: ils sont d’une complexion fort délicate en comparaison des
autres Indiens, ils craignent les exercices pénibles, ils dorment
pendant le jour & ne sortent que la nuit; & lorsque la lune
luit, ils courent dans les endroits les plus sombres des forêts
aussi vîte que les autres le peuvent faire de jour, à cela près
qu’ils ne sont ni aussi robustes ni aussi vigoureux. Au reste ces
hommes ne forment pas une race particulière & distincte, mais il
arrive quelquefois qu’un père &
une |
exactly to their legs and cannot be removed; and as
they prevent the increase of the under part of the leg, the upper
parts naturally grow larger than they would otherwise have
done. [498][499] So intermixed are the present
inhabitants of Mexico and Peru, that we rarely meet with two faces
of the same colour. In the town of Mexico, there are Europeans,
Indians from north and south America, negroes from Africa, and
mulattoes of every kind, insomuch that the people exhibit every kind
of shade between black and white. The natives of the country are
brown, or olive, well made and active. Though they have little hair,
even on their eyebrows, yet that upon their head is very long, and
very black. According to Wafer,1 the
natives of the Isthmus of America are commonly tall and handsome;
their limbs are well shaped, chest large, and at the chace [sic]2 they are
active and nimble. The women are short, squat, and less vivacious
than the men; though the young ones are tolerably comely, and have
lively eyes. Of both the face is round; the nose thick and short;
the eyes large, mostly grey, and full of fire; the forehead high;
the teeth white and regular; the lips thin; the mouth of a
moderate
1 Lionel Wafer, Les voyages de Lionnel Waffer contenant une description très exacte de l’Isthme de l’Amérique et de toute la Nouvelle Espagne (Paris: C. Cellier, 1706). M. de Montirat translated the original 1699 English. [Duchet 301n118]
2 chace chase. [Meijer]
size; |
une mère qui sont tous deux couleur de cuivre
jaune, ont un enfant tel que nous venons de le décrire. Wafer qui
rapporte ces faits, dit qu’il a vû lui-même un de ces enfans qui
n’avoit pas encore un an*. Si cela est,
cette couleur & cette habitude singulière du corps de ces
Indiens blancs, ne seroient qu’une espèce de maladie qu’ils
tiendroient de leurs pères & mères; mais en supposant que ce
dernier fait ne fût pas bien avéré, c’est-à-dire, qu’au lieu de
venir des Indiens jaunes ils fissent une race à part, alors ils
ressembleroient aux Chacrelas de Java, & aux Bedas de Ceylan,
dont nous avons parlé; ou si ce fait est bien vrai, & que ces
blancs naissent en effet de pères & mères couleur de cuivre, on
pourra croire que les Chacrelas & les Bedas viennent aussi de
pères & mères basanez, & que tous ces hommes blancs qu’on
trouve à de si grandes distances les uns des autres, sont des
individus qui ont dégénéré de leur race par quelque cause
accidentelle. J’avoue que cette dernière
opinion me paroît la plus vrai-semblable, & que si les voyageurs
nous eussent donné des descriptions aussi exactes des Bedas &
des Chacrelas que Wafer l’a fait des Dariens, nous eussions
peut-être reconnu qu’ils ne pouvoient pas plus que ceux-ci, être
d’origine Européenne. Ce qui me paroît appuyer beaucoup cette
manière de penser, c’est que parmi les Nègres il naît aussi des
blancs de pères & mères noirs; on trouve la description de deux
de ces Nègres blancs
* Voyez les voyages de Dampier, Tome 4,
page 252.
dans
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