|
trample upon living Bodies; one Animal
never passes unmoved by the dead Carcass of another Animal of the
same Species: there are even some who bestow a kind of Sepulture
upon their dead Fellows; and the mournful Lowings of Cattle, on
their entering the Slaughter House, publish the Impression made upon
them by the horrible Spectacle they are there struck with. It is
with Pleasure we see the Author of the Fable of the Bees, forced to
acknowledge Man a compassionate and sensible Being; and lay aside,
in the Example he offers to confirm it, his cold and subtile Stile,
to place before us the pathetic Picture of a Man, who, with his
Hands tied up, is obliged to behold a Beast of Prey tear a Child
from the Arms of his Mother, and then with his Teeth grind the
tender Limbs, and with his Claws rend the throbbing Entrails of the
innocent Victim. What horrible Emotions must not such a
Spectator |
un animal ne passe point sans inquiétude
auprès d'un animal mort de son espèce; il y en a même qui leur
donnent une sorte de sépulture; et les tristes mugissements du
bétail entrant dans une boucherie annoncent l'impression qu'il
reçoit de l'horrible spectacle qui le frappe. On voit avec plaisir
l'auteur de la fable des Abeilles, forcé de reconnaître l'homme pour
un être compatissant et sensible, sortir, dans l'exemple qu'il en
donne, de son style froid et subtil, pour nous offrir la pathétique
image d'un homme enfermé qui aperçoit au-dehors une bête féroce
arrachant un enfant du sein de sa mère, brisant sous sa dent
meurtrière les faibles membres, et déchirant de ses ongles les
entrailles palpitantes de cet enfant. Quelle affreuse agitation
n'éprouve point ce témoin d'un événement auquel il ne prend aucun
intérêt personnel? Quelles angoisses ne souffre-t-il pas à cette
vue, de ne pouvoir porter aucun secours à la mère évanouie, ni à
l'enfant expirant?
Suivantes |
Spectator experience at the sight of an
Event which does not personally concern him? What anguish must he
not suffer at his not being able to assist the fainting Mother or
the expiring Infant? Such is the
pure Motion of Nature, anterior to all manner of Reflection; such is
the Force of natural Pity, which the most dissolute Manners have as
yet found it so difficult to extinguish, since we every Day see, in
our theatrical Representations, those Men sympathize with the
unfortunate and weep at their Sufferings, who, if in the Tyrant's
Place, would aggravate the Torments of their Enemies.
Mandeville was very sensible that Men, in spite of all their
Morality, would never have been better than Monsters, if Nature had
not given them Pity to assist Reason: but he did not perceive that
from this Quality alone
flow |
Tel est le pur mouvement de la nature,
antérieur à toute réflexion: telle est la force de la pitié
naturelle, que les moeurs les plus dépravées ont encore peine à
détruire, puisqu'on voit tous les jours dans nos spectacles
s'attendrir et pleurer aux malheurs d'un infortuné tel, qui, s'il
était à la place du tyran, aggraverait encore les tourments de son
ennemi. Mandeville a bien senti qu'avec toute leur morale les hommes
n'eussent jamais été que des monstres, si la nature ne leur eût
donné la pitié à l'appui de la raison: mais il n'a pas vu que de
cette seule qualité découlent toutes les vertus sociales qu'il veut
disputer aux hommes. En effet, qu'est-ce que la générosité, la
clémence, l'humanité, sinon la pitié appliquée aux faibles, aux
coupables, ou à l'espèce humaine en général?
Suivantes |
flow all the social Virtues, which he
would dispute Mankind the Possession of. In fact, what is
Generosity, what Clemency, what Humanity, but Pity applied to the
Weak, to the Guilty, or to the Human Species in general? Even
Benevolence and Friendship, if we judge right, will appear the
Effects of a constant Pity, fixed upon a particular Object: for to
wish that a Person may not suffer, what is it but to wish that he
may be happy? Tho' it were true that Commiseration is no more than a
Sentiment, which puts us in the place of him who suffers, a
Sentiment obscure but active in the Savage, developed but dormant in
civilized Man, how could this Notion affect the Truth of what I
advance, but to make it more evident. In Fact, Commiseration must be
so much the more energetic, the more intimately the Animal, that
beholds any kind of Distress, identifies himself with
the |
La bienveillance et l'amitié même sont, à
le bien prendre, des productions d'une pitié constante, fixée sur un
objet particulier: car désirer que quelqu'un ne souffre point,
qu'est-ce autre chose que désirer qu'il soit heureux? Quand il
serait vrai que la commisération ne serait qu'un sentiment qui nous
met à la place de celui qui souffre, sentiment obscur et vif dans
l'homme sauvage, développé, mais faible dans l'homme civil,
qu'importerait cette idée à la vérité de ce que je dis, sinon de lui
donner plus de force? En effet, la commisération sera d'autant plus
énergique que l'animal spectateur s'identifiera intimement avec
l'animal souffrant. Or il est évident que cette identification a dû
être infiniment plus étroite dans l'état de nature que dans l'état
de raisonnement.
Suivantes |
the Animal that labours under it. Now it
is evident that this Identification must have been infinitely more
perfect in the State of Nature, than in the State of Reason. It is
Reason that engenders Self-love, and Reflection that strengthens it;
it is Reason that makes Man shrink into himself; it is Reason that
makes him keep aloof from every thing that can trouble or afflict
him: it is Philosophy that destroys his Connections with other Men;
it is in consequence of her Dictates that he mutters to himself at
the sight of another in Distress, You may perish for aught I care,
nothing can hurt me. Nothing less than those Evils, which threaten
the whole Species, can disturb the calm Sleep of the Philosopher,
and force him from his Bed. One Man may with Impunity murder another
under his Windows; he has nothing to do but clap his Hands to his
Ears, argue a little with himself to hinder Nature, that startles
within |
C'est la raison qui engendre
l'amour-propre, et c'est la réflexion qui le fortifie; c'est elle
qui replie l'homme sur lui-même; c'est elle qui le sépare de tout ce
qui le gêne et l'afflige: c'est la philosophie qui l'isole; c'est
par elle qu'il dit en secret, à l'aspect d'un homme souffrant: péris
si tu veux, je suis en sûreté. Il n'y a plus que les dangers de la
société entière qui troublent le sommeil tranquille du philosophe,
et qui l'arrachent de son lit. On peut impunément égorger son
semblable sous sa fenêtre; il n'a qu'à mettre ses mains sur ses
oreilles et s'argumenter un peu pour empêcher la nature qui se
révolte en lui de l'identifier avec celui qu'on assassine. L'homme
sauvage n'a point cet admirable talent; et faute de sagesse et de
raison, on le voit toujours se livrer étourdiment au premier
sentiment de l'humanité.
Suivantes |
within him, from identifying him with
the unhappy Sufferer. Savage Man wants this admirable Talent; and
for want of Wisdom and Reason, is always ready foolishly to obey the
first Whispers of Humanity. In Riots and Street-Brawls the Populace
flock together, the prudent Man sneaks off. They are the Dregs of
the People, the poor Basket and Barrow-women, that part the
Combatants, and hinder gentle Folks from cutting one another's
Throats. It is therefore certain
that Pity is a natural Sentiment, which, by moderating in every
Individual the Activity of Self-love, contributes to the mutual
Preservation of the whole Species. It is this Pity which hurries us
without Reflection to the Assistance of those we see in Distress; it
is this Pity which, in a State of Nature, stands for Laws, for
Manners, for Virtue, with this Advantage, that no one is
tempted |
Dans les émeutes, dans les querelles des
rues, la populace s'assemble, l'homme prudent s'éloigne: c'est la
canaille, ce sont les femmes des halles, qui séparent les
combattants, et qui empêchent les honnêtes gens de s'entr'égorger.
Il est donc certain que la pitié est un sentiment naturel, qui,
modérant dans chaque individu l'activité de l'amour de soi-même,
concourt à la conservation mutuelle de toute l'espèce. C'est elle
qui nous porte sans réflexion au secours de ceux que nous voyons
souffrir: c'est elle qui, dans l'état de nature, tient lieu de lois,
de moeurs et de vertu, avec cet avantage que nul n'est tenté de
désobéir à sa douce voix: c'est elle qui détournera tout sauvage
robuste d'enlever à un faible enfant, ou à un vieillard infirme, sa
subsistance acquise avec peine, si lui-même espère pouvoir trouver
la sienne ailleurs; c'est elle qui, au lieu de cette maxime sublime
de justice raisonnée:
Suivantes |
tempted to disobey her sweet and gentle
Vocie: it is this Pity which will always hinder a robust Savage from
plundering a feeble Child or infirm old Man, of the Subsistence they
have acquired with Pain and Difficulty, if he has but the least
Prospect of providing for himself by any other Means: it is this
Pity which, instead of that sublime Maxim of argumentative Justice,
Do to others as you would have others do to you, inspires all
Men with that other Maxim of natural Goodness a great deal less
perfect, but perhaps more useful, Consult your own Happiness with
as little Prejudice as you can to that of others. It is in a
word, in this natural Sentiment, rather than in fine-spun Arguments,
that we must look for the Cause of that Reluctance which every Man
would experience to do Evil, even independently of the Maxims of
Education. Tho' it may be the peculiar Happiness of Socrates
and other Geniuses of his Stamp,
to |
Fais à autrui comme tu veux qu'on te fasse,
inspire à tous les hommes cette autre maxime de bonté naturelle bien
moins parfaite, mais plus utile peut-être que la précédente: Fais
ton bien avec le moindre mal d'autrui qu'il est possible C'est, en
un mot, dans ce sentiment naturel, plutôt que dans des arguments
subtils, qu'il faut chercher la cause de la répugnance que tout
homme éprouverait à mal faire, même indépendamment des maximes de
l'éducation. Quoiqu'il puisse appartenir à Socrate, et aux esprits
de sa trempe, d'acquérir de la vertu par raison, il y a longtemps
que le genre humain ne serait plus, si sa conservation n'eût dépendu
que des raisonnements de ceux qui le composent.
Suivantes |
to reason themselves into Virtue, the
human Species would long ago have ceased to exist, had it depended
entirely for its Preservation on the Reasonings of the Individuals
that compose it. With Passions so
tame, and so salutary a curb, Men, rather wild than wicked, and more
attentive to guard against Mischief than to do any to other Animals,
were not exposed to any dangerous dissensions: As they kept up no
manner of Correspondence with each other, and were of course
Strangers to Vanity, to Respect, to Esteem, to Contempt; As they had
no Notion of what we call Meum and Tuum, nor any true Idea of
Justice; As they considered any Violence they were liable to, as an
Evil that could be easily repaired, and not as an Injury that
deserved Punishment; And as they never so much as dreamed of
Revenge, unless perhaps mechanically and unpremeditatedly,
as |
Avec des passions si peu actives, et un
frein si salutaire, les hommes plutôt farouches que méchants, et
plus attentifs à se garantir du mal qu'ils pouvaient recevoir que
tentés d'en faire à autrui, n'étaient pas sujets à des démêlés fort
dangereux: comme ils n'avaient entre eux aucune espèce de commerce,
qu'ils ne connaissaient par conséquent ni la vanité, ni la
considération, ni l'estime, ni le mépris, qu'ils n 'avaient pas la
moindre notion du tien et du mien, ni aucune véritable idée de la
justice, qu'ils regardaient les violences qu'ils pouvaient essuyer
comme un mal facile à réparer, et non comme une injure qu'il faut
punir, et qu'ils ne songeaient pas même à la vengeance si ce n'est
peut-être machinalement et sur-le-champ, comme le chien qui mord la
pierre qu'on lui jette, leurs disputes eussent eu rarement des
suites sanglantes, si elles n'eussent point eu de sujet plus
sensible que la pâture: mais j'en vois un plus dangereux, dont il me
reste à parler.
Suivantes |
as a Dog who bites the Stone that has
been thrown at him; their Disputes could seldom be attended with
bloodshed, were they never occasioned by a more considerable Stake
than that of Subsistence: but there is a more dangerous Subject of
Contention, which I must not leave
unnoticed. Among the Pasions which
ruffle the Heart of Man, there is one of a hot and impetuous Nature,
which renders the Sexes necessary to each other; a terrible Passion
which despises all Dangers, bears down all Obstacles, and which in
its Transports seems proper to destroy the human Species which it is
destined to preserve. What must become of Men abandoned to this
lawless and brutal Rage, without Modesty, without Shame, and every
Day disputing the Objects of their Passion at the Expence of their
Blood?
We |
Parmi les passions qui agitent le coeur de
l'homme, il en est une ardente, impétueuse, qui rend un sexe
nécessaire à l'autre, passion terrible qui brave tous les dangers,
renverse tous les obstacles, et qui dans ses fureurs semble propre à
détruire le genre humain qu'elle est destinée à conserver. Que
deviendront les hommes en proie à cette rage effrénée et brutale,
sans pudeur, sans retenue, et se disputant chaque jour leurs amours
au prix de leur sang?
Suivantes |
We must in
the first place allow that the more violent the Passions, the more
necessary are Laws to restrain them: but besides that the Disorders
and the Crimes, to which these Passions daily give rise among us,
sufficiently prove the Insufficiency of Laws for that Purpose, we
would do well to look back a little further and examine, if these
Evils did not spring up with the Laws themselves; for at this Rate,
tho' the Laws were capable of repressing these Evils, it is the
least that might be expected from them, seeing it is no more than
stopping the Progress of a Mischief which they themselves have
produced. Let us begin by
distinguishing between what is moral and what is physical in the
Passion called Love. The physical Part of it is that general Desire
which prompts the Sexes to unite with each other; the moral Part is
that which
determines |
Il faut convenir d'abord que plus les
passions sont violentes, plus les lois sont nécessaires pour les
contenir: mais outre que les désordres et les crimes que celles-ci
causent tous les jours parmi nous montrent assez l'insuffisance des
lois à cet égard, il serait encore bon d'examiner si ces désordres
ne sont point nés avec les lois mêmes; car alors, quand elles
seraient capables de les réprimer, ce serait bien le moins qu'on en
dût exiger que d'arrêter un mal qui n'existerait point sans elles.
Commençons par distinguer le moral du physique dans le sentiment
de l'amour. Le physique est ce désir général qui porte un sexe à
s'unir à l'autre; le moral est ce qui détermine ce désir et le fixe
sur un seul objet exclusivement, ou qui du moins lui donne pour cet
objet préféré un plus grand degré d'énergie.
Suivantes |
determines this Desire, and fixes it
upon a particular Object to the Exclusion of all others, or at least
gives it a greater Degree of Energy for this preferred Object. Now
it is easy to perceive that the moral Part of Love is a factitious
Sentiment, engendered by Society, and cried up by the Women with
great Care and Address in order to establish their Empire, and
secure Command to that Sex which ought to obey. This Sentiment,
being founded on certain Notions of Beauty and Merit which a Savage
is not capable of having, and upon Comparisons which he is not
capable of making, can scarcely exist in him: for as his Mind was
never in a Condition to form abstract Ideas of Regularity and
Proportion, neither is his Heart susceptible of Sentiments of
Admiration and Love, which, even without our perceiving it, are
produced by our Application of these Ideas; he listens solely to
the |
Or il est facile de voir que le moral de
l'amour est un sentiment factice; né de l'usage de la société, et
célébré par les femmes avec beaucoup d'habileté et de soin pour
établir leur empire, et rendre dominant le sexe qui devrait obéir.
Ce sentiment étant fondé sur certaines notions du mérite ou de la
beauté qu'un sauvage n'est point en état d'avoir, et sur des
comparaisons qu'il n'est point en état de faire, doit être presque
nul pour lui. Car comme son esprit n'a pu se former des idées
abstraites de régularité et de proportion, son coeur n'est point non
plus susceptible des sentiments d'admiration et d'amour qui, même
sans qu'on s'en aperçoive, naissent de l'application de ces idées;
il écoute uniquement le tempérament qu'il a reçu de la nature, et
non le goût qu'il n'a pu acquérir, et toute femme est bonne pour
lui.
Suivantes |
the Dispositions implanted in him by
Nature, and not to Taste which he never was in a Way of acquiring;
and every Woman answers his
Purpose. Confined entirely to what
is physical in Love, and happy enough not to know these Preferences
which sharpend the Appetite for it, at the same Time that they
increase the Difficulty of satisfying such Appetite, Men, in a State
of Nature, must be subject to fewer and less violent Fits of that
Passion, and of course there must be fewer and less violent Disputes
among them in Consequence of it. The Imagination, which causes so
many Ravages among us, never speaks to the Heart of Savages, who
peaceably wait for the Impulses of Nature, yield to these Impulses
without Choice and with more Pleasure than Fury; and whose Desires
never outlive their Necessity for the thing desired.
Nothing |
Bornés au seul physique de l'amour, et
assez heureux pour ignorer ces préférences qui en irritent le
sentiment et en augmentent les difficultés, les hommes doivent
sentir moins fréquemment et moins vivement les ardeurs du
tempérament et par conséquent avoir entre eux des disputes plus
rares, et moins cruelles. L'imagination, qui fait tant de ravages
parmi nous, ne parle point à des coeurs sauvages; chacun attend
paisiblement l'impulsion de la nature, s'y livre sans choix, avec
plus de plaisir que de fureur, et le besoin satisfait, tout le désir
est éteint.
Suivantes |
Nothing
therefore can be more evident, than that it is Society alone, which
has added even to Love itself as well as to all the other Passions,
that impetuous Ardour, which so often renders it fatal to Mankind;
and it is so much the more ridiculous to represent Savages
constantly murdering each other to glut their Brutality, as this
Opinion is diametrically opposite to Experience, and the Carribeans,
the People in the World who have as yet deviated least from the
State of Nature, are to all Intents and Purposes the most peaceable
in their Amours, and the least subject to Jealousy, tho' they live
in a burning Climate which seems always to add considerably to the
Activity of these Passions. As to
the Inductions which may be drawn, in respect to several Species of
Animals, from the Battles of the Males, who in all Seasons cover our
Poultry
Yards |
C'est donc une chose incontestable que
l'amour même, ainsi que toutes les autres passions, n'a acquis que
dans la société cette ardeur impétueuse qui le rend si souvent
funeste aux hommes, et il est d'autant plus ridicule de représenter
les sauvages comme s'entr'égorgeant sans cesse pour assouvir leur
brutalité, que cette opinion est directement contraire à
l'expérience, et que les Caraïbes, celui de tous les peuples
existants qui jusqu'ici s'est écarté le moins de l'état de nature,
sont précisément les plus paisibles dans leurs amours, et les moins
sujets à la jalousie, quoique vivant sous un climat brûlant qui
semble toujours donner à ces passions une plus grande activité.
Suivantes
|
Yards with Blood, and in Spring particularly cause
our Forests to ring again with the Noise they make in disputing
their Females, we must begin by excluding all those Species, where
Nature has evidently established, in the relative Power of the
Sexes, Relations different from those which exist among us: thus
from the Battles of Cocks we can form no Induction that will affect
the human Species. In the Species, where the Proportion is better
observed, these Battles must be owing entirely to the fewness of the
Females compared with the Males, or, which is all one, to the
exclusive Intervals, during which the Females constantly refuse the
Addresses of the Males; for it the Female admits the Male but two
Months in the Year, it is all the same as if the Number of Females
were five sixths less than what it is: now neither of these Cases is
applicable to the human Species, where the Number of Females
generally |
A l'égard des inductions qu'on pourrait
tirer dans plusieurs espèces d'animaux, des combats des mâles qui
ensanglantent en tout temps nos basses-cours ou qui font retenir au
printemps nos forêts de leurs cris en se disputant la femelle, il
faut commencer par exclure toutes les espèces où la nature a
manifestement établi dans la puissance relative des sexes d'autres
rapports que parmi nous: ainsi les combats des coqs ne forment point
une induction pour l'espèce humaine. Dans les espèces où la
proportion est mieux observée, ces combats ne peuvent avoir pour
causes que la rareté des femelles eu égard au nombre des mâles, ou
les intervalles exclusifs durant lesquels la femelle refuse
constamment l'approche du mâle, ce qui revient à la première cause;
car si chaque femelle ne souffre le mâle que durant deux mois de
l'année, c'est à cet égard comme si le nombre des femelles était
moindre des cinq sixièmes.
Suivantes |
generally surpasses that of Males, and
where it has never been observed that, even among Savages, the
Females had, like those of other Animals, stated Times of Passion
and Indifference. Besides, among several of these Animals the whole
Species takes Fire all at once, and for some Days nothing is to be
seen among them but Confusion, Tumult, Disorder and Bloodshed; a
State unknown to the human Species where Love is never periodical.
We cannot therefore conclude from the Battles of certain Animals for
the Possession of their Females, that the same would be the Case of
Man in a State of Nature; and tho' we might, as these Contests don't
destroy the other Species, there is at least equal Room to think
they would not be fatal to ours; nay it is very probable that they
would cause fewer Ravages than they do in society, especially in
those Countries where, Morality being as yet held in some Esteem,
the Jealousy of Lovers, and the
Vengeance |
Or aucun de ces deux cas n'est applicable à
l'espèce humaine où le nombre des femelles surpasse généralement
celui des mâles, et où l'on n'a jamais observé que même parmi les
sauvages les femelles aient, comme celles des autres espèces, des
temps de chaleur et d'exclusion. De plus parmi plusieurs de ces
animaux, toute l'espèce entrant à la fois en effervescence, il vient
un moment terrible d'ardeur commune, de tumulte, de désordre, et de
combat: moment qui n'a point lieu parmi l'espèce humaine où l'amour
n'est jamais périodique. On ne peut donc pas conclure des combats de
certains animaux pour la possession des femelles que la même chose
arriverait à l'homme dans l'état de nature; et quand même on
pourrait tirer cette conclusion, comme ces dissensions ne détruisent
point les autres espèces,
Suivantes |
Vengeance of Husbands every Day produce
Duels, Murders, and even worse Crimes; where the Duty of an eternal
Fidelity serves only to propagate Adultery; and the very Laws of
Continence and Honour necessarily contribute to increase
Dissoluteness, and multiply
Abortions. Let us conclude that
savage Man, wandering about in the Forests, without Industry,
without Speech, without any fixed Residence, an equal Stranger to
War and every social Connection, without standing in any shape in
need of his Fellows, as well as without any Desire of hurting them,
and perhaps even without ever distinguishing them individually one
from the other, subject to few Passions, and finding in himself all
he wants, let us, I say, conclude that savage Man thus circumstanced
had no Knowledge or Sentiment but such as are proper to that
Condition, that he was alone sensible of his real
Necessities, |
on doit penser au moins qu'elles ne
seraient pas plus funestes à la nôtre, et il est très apparent
qu'elles y causeraient encore moins de ravage qu'elles ne font dans
la société, surtout dans les pays où les moeurs étant encore
comptées pour quelque chose, la jalousie des amants et la vengeance
des époux causent chaque jour des duels, des meurtres, et pis
encore; où le devoir d'une éternelle fidélité ne sert qu'à faire des
adultères, et où les lois mêmes de la continence et de l'honneur
étendent nécessairement la débauche, et multiplient les
avortements. Concluons
qu'errant dans les forêts sans industrie, sans parole, sans
domicile, sans guerre, et sans liaisons, sans nul besoin de ses
semblables, comme sans nul désir de leur nuire, peut-être même sans
jamais en reconnaître aucun individuellement, l'homme sauvage sujet
à peu de passions, et se suffisant à lui-même, n'avait que les
sentiments et les lumières propres à cet état, qu'il ne sentait que
ses vrais besoins, ne regardait que ce qu'il croyait avoir intérêt
de voir, et que son intelligence ne faisait pas plus de progrès que
sa vanité.
Suivantes |
Necessities, took notice of nothing but
what it was his Interest to see, and that his Understanding made as
little Progress as his Vanity. If he happened to make any Discovery,
He could the less communicate it as he did not even know his
Children. The Art perished with the Inventer; there was neither
Education nor Improvement; Generations succeeded Generations to no
Purpose; and as all constantly set out from the same Point, whole
Centuries rolled on in the Rudeness and Barbarity of the first Age;
the Species was grown old, while the Individual still remained in a
State of Childhood. If I have
enlarged so much upon the Supposition of this primitive Condition,
it is because I thought it my Duty, considering what ancient Errors
and inveterate Prejudices I have to extirpate, to dig to the very
Roots, and shew in a true
picture |
Si par hasard il faisait quelque
découverte, il pouvait d'autant moins la communiquer qu'il ne
reconnaissait pas même ses enfants. L'art périssait avec
l'inventeur; il n'y avait ni éducation ni progrès, les générations
se multipliaient inutilement; et chacune partant toujours du même
point, les siècles s'écoulaient dans toute la grossièreté des
premiers âges, l'espèce était déjà vieille, et l'homme restait
toujours enfant. Si je me suis
étendu si longtemps sur la supposition de cette condition primitive,
c'est qu'ayant d'anciennes erreurs et des préjugés invétérés à
détruire, j'ai cru devoir creuser jusqu'à la racine, et montrer dans
le tableau du véritable état de nature combien l'inégalité, même
naturelle, est loin d'avoir dans cet état autant de réalité et
d'influence que le prétendent nos écrivains.
Suivantes |
picture of the State of Nature, how much even
natural Inequality falls short in this State of that Reality and Influence
which our Writers ascribe to it. In Fact,
we may easily perceive that among the Differences, which distinguish Men,
several pass for natural, which are merely the Work of Habit and the
different Kinds of Life adopted by Men living in a social Way. Thus a
robust or delicate Constitution, and the Strength and Weakness which
depend on it, are oftener produced by the hardy or effeminate Manner in
which a Man has been brought up, than by the primitive Constitution of his
Body. It is the same thus in Regard to the Forces of the Mind; and
Education not only produces a Difference between those Minds which are
cultivated and those which are not, but even increases that which is found
among the first in proportion
to |
En effet, il est aisé de voir qu'entre les
différences qui distinguent les hommes, plusieurs passent pour naturelles
qui sont uniquement l'ouvrage de l'habitude et des divers genres de vie
que les hommes adoptent dans la société. Ainsi un tempérament robuste ou
délicat, la force ou la faiblesse qui en dépendent, viennent souvent plus
de la manière dure ou efféminée dont on a été élevé que de la constitution
primitive des corps. Il en est de même des forces de l'esprit, et non
seulement l'éducation met la différence entre les esprits cultivés et ceux
qui ne le sont pas, mais elle augmente celle qui se trouve entre les
premiers à proportion de la culture; car qu'un géant et un nain marchent
sur la même route, chaque pas qu'ils feront l'un et l'autre donnera un
nouvel avantage au géant.
Suivantes |
to their Culture; for let a Giant and a Dwarf
set out in the same Path, the Giant at every Step will acquire a new
Advantage over the Dwarf. Now, if we compare the prodigious Variety in the
Education and Manner of living of the different Orders of Men in a civil
State, with the Simplicity and Uniformity that prevails in the animal and
savage Life, where all the Individuals make use of the same Aliments, live
in the same Manner, and do exactly the same things, we shall easily
conceive how much the Difference between Man and Man in the State of
Nature must be less than in the State of Society, and how much every
Inequality of Institution must increase the natural Inequalities of the
Human Species. But tho' Nature in the
Distribution of her Gifts should really affect all the Preferences that
are ascribed to her, what
Advantage |
Or si l'on compare la diversité prodigieuse
d'éducations et de genres de vie qui règne dans les différents ordres de
l'état civil, avec la simplicité et l'uniformité de la vie animale et
sauvage, où tous se nourrissent des mêmes aliments, vivent de la même
manière, et font exactement les mêmes choses, on comprendra combien la
différence d'homme à homme doit être moindre dans l'état de nature que
dans celui de société, et combien l'inégalité naturelle doit augmenter
dans l'espèce humaine par l'inégalité d'institution.
Suivantes |
Advantage could the most favoured derive from
her Partiality, to the Prejudice of others, in a State of things, which
scarce admitted any kind of Relation between her Pupils? Of what Service
can Beauty be, where there is no Love? What will Wit avail People who
don't speak, or Craft those who have no Affairs to transact? Authors are
constantly crying out, that the strongest would oppress the weakest; but
let them explain what they mean by the Word Oppression. One Man will rule
with Violence, another will groan under a constant Subjection to all his
Caprices: this is indeed precisely what I observe among us, but I don't
see how it can be said of savage Men, into whose Heads it would be a hard
Matter to drive even the Meaning of the Words Domination and Servitude.
One Man might indeed seize on the Fruits which another had gathered, on
the Game which another had killed,
on |
Mais quand la nature affecterait dans la
distribution de ses dons autant de préférences qu'on le prétend, quel
avantage les plus favorisés en tireraient-ils, au préjudice des autres,
dans un état de choses qui n'admettrait presque aucune sorte de relation
entre eux? Là où il n'y a point d'amour, de quoi servira la beauté? Que
sert l'esprit à des gens qui ne parlent point, et la ruse à ceux qui n'ont
point d'affaires? J'entends toujours répéter que les plus forts
opprimeront les faibles; mais qu'on m'explique ce qu'on veut dire par ce
mot d'oppression. Les uns domineront avec violence, les autres gémiront
asservis à tous leurs caprices: voilà précisément ce que j'observe parmi
nous, mais je ne vois pas comment cela pourrait se dire des hommes
sauvages, à qui l'on aurait même bien de la peine à faire entendre ce que
c'est que servitude et domination.
Suivantes |
on the Cavern which another had occupied for
Shelter; but how is it possible he should ever exact Obedience from him,
and what Chains of Dependence can there be among Men who possess nothing?
If I am driven from one Tree, I have nothing to do but look out for
another; if one Place is made uneasy to me, what can hinder me from taking
up my Quarters elsewhere? But suppose I should meet a Man so much superior
to me in Strength, and withal so wicked, so lazy and so barbarous as to
oblige me to provide for his Subsistence while he remains idle; he must
resolve not to take his Eyes from me a single Moment, to bind me fast
before he can take the least Nap, lest I should kill him or give him the
slip during his Sleep: that is to say, he must expose himself voluntarily
to much greater Troubles than what he seeks to avoid, than any he gives
me. And after all, let him abate ever so little of his Vigilance; let him
at some sudden Noise
but |
Un homme pourra bien s'emparer des fruits
qu'un autre a cueillis, du gibier qu'il a tué, de l'antre qui lui servait
l'asile; mais comment viendra-t-il jamais à bout de s'en faire obéir, et
quelles pourront être les chaînes de la dépendance parmi des hommes qui ne
possèdent rien? Si l'on me chasse d'un arbre, j'en suis quitte pour aller
à un autre; si l'on me tourmente dans un lieu, qui m'empêchera de passer
ailleurs? Se trouve-t-il un homme d'une force assez supérieure à la
mienne, et, de plus, assez dépravé, assez paresseux, et assez féroce pour
me contraindre à pourvoir à sa subsistance pendant qu'il demeure oisif? Il
faut qu'il se résolve à ne pas me perdre de vue un seul instant, à me
tenir lié avec un très grand soin durant son sommeil, de peur que je ne
m'échappe ou que je ne le tue: c'est-à-dire qu'il est obligé de s'exposer
volontairement à une peine beaucoup plus grande que celle qu'il veut
éviter, et que celle qu'il me donne à moi-même. Après tout cela, sa
vigilance se relâche-t-elle un moment? Un bruit imprévu lui fait-il
détourner la tête? Je fais vingt pas dans la forêt, mes fers sont brisés,
et il ne me revoit de sa vie.
Suivantes |
but turn his Head another Way; I am already
buried in the Forest, my Fetters are broke, and he never sees me
again. But without insisting any longer
upon these Details, every one must see that, as the Bonds of Servitude are
formed merely by the mutual Dependence of Men one upon another and the
reciprocal Necessities which unite them, it is impossible for one Man to
enslave another, without having first reduced him to a Condition in which
he cannot live without the Enslaver's Assistance; a Condition which, as it
does not exsit in a State of Nature, must leave every Man his own Master,
and render the Law of the strongest altogether van and
useless. Having proved that the
Inequality, which may subsist between Man and Man in a State of Nature, is
almost imperceivable, and that it has very little
Influence, |
Sans prolonger
inutilement ces détails, chacun doit voir que, les liens de la servitude
n'étant formés que de la dépendance mutuelle des hommes et des besoins
réciproques qui les unissent, il est impossible d'asservir un homme sans
l'avoir mis auparavant dans le cas de ne pouvoir se passer d'un autre;
situation qui n'existant pas dans l'état de nature, y laisse chacun libre
du joug et rend vaine la loi du plus fort.
Suivantes |
Influence, I must now proceed to shew its
Origin and trace its Progress, in the successive Developments of the human
Mind. After having shewed, that Perfectibility, the social Virtues,
and the other Faculties, which natural Man had received in Potentia, could
never be developed of themselves, that for that Purpose there was a
Necessity for the fortuitous Concurrence of several foreign Causes, which
might never happen, and without which he must have eternally remained in
his primitive Condition; I must proceed to consider and bring together the
different Accidents which may have perfected the human Understanding by
debasing the Species, render a Being wicked by rendering him sociable, and
from so remote a Term bring Man at last and the World to the Point in
which we now see them. I must own that,
as the Events I am about to describe might have happened
many |
Après avoir prouvé
que l'inégalité est à peine sensible dans l'état de nature, et que son
influence y est presque nulle, il me reste à montrer son origine, et ses
progrès dans les développements successifs de l'esprit humain. Après avoir
montré que la perfectibilité, les vertus sociales et les autres facultés
que l'homme naturel avait reçues en puissance ne pouvaient jamais se
développer d'elles-mêmes, qu'elles avaient besoin pour cela du concours
fortuit de plusieurs causes étrangères qui pouvaient ne jamais naître, et
sans lesquelles il fût demeuré éternellement dans sa condition primitive;
il me reste à considérer et à rapprocher les différents hasards qui ont pu
perfectionner la raison humaine, en détériorant l'espèce, rendre un être
méchant en le rendant sociable, et d'un terme si éloigné amener enfin
l'homme et le monde au point où nous les voyons.
Suivantes |
many different Ways; my Choice of these I
shall assign can be grounded on nothing but mere Conjecture; but besides
these Conjectures becoming Reasons, when they are not only the most
probable that can be drawn from the Nature of things; but the only Means
we can have of discovering Truth, the Consequences I mean to deduce from
mine will not be merely conjectural, since, on the Principles I have just
established, it is impossible to form any other System, that would not
supply me with the same Results, and from which I might not draw the same
Conclusions. This will authorize me to be
the more concise in my Reflections on the Manner, in which the lapse of
Time makes amends for the little Verisimilitude of Events; on the
surprising Power of very trivial Causes, when they act without
Intermission; on the Impossibility there is on
the |
J'avoue que les
événements que j'ai à décrire ayant pu arriver de plusieurs manières, je
ne puis me déterminer sur le choix que par des conjectures; mais outre que
ces conjectures deviennent des raisons, quand elles sont les plus
probables qu'on puisse tirer de la nature des choses et les seuls moyens
qu'on puisse avoir de découvrir la vérité, les conséquences que je veux
déduire des miennes ne seront point pour cela conjecturales, puisque, sur
les principes que je viens d'établir, on ne saurait former aucun autre
système qui ne me fournisse les mêmes résultats, et dont je ne puisse
tirer les mêmes conclusions.
Suivantes |
the one hand of destroying certain Hypotheses,
if on the other we cannot give them the Degree of Certainty which Facts
must be allowed to possess; on its being the Business of History, when two
Facts are proposed, as real, to be connected by a Chain of intermediate
Facts which are either unknown or considered as such, to furnish such
Facts as may actually connect them; and the Business of Philosophy, when
History is silent, to point out similar Facts which may answer the same
Purpose; in fine on the Privilege of Similitude, in regard to Events, to
reduce Facts to a much smaller Number of different Classes than is
generally imagined. It suffices me to offer these Objects to the
Consideration of my Judges; it suffices me to have conducted my Enquiry in
such a Manner as to save common Readers the Trouble of considering them.
SECOND |
Ceci me dispensera
d'étendre mes réflexions sur la manière dont le laps de temps compense le
peu de vraisemblance des événements; sur la puissance surprenante des
causes très légères lorsqu'elles agissent sans relâche; sur
l'impossibilité où l'on est d'un côté de détruire certaines hypothèses, si
de l'autre on se trouve hors d'état de leur donner le degré de certitude
des faits; sur ce que deux faits étant donnés comme réels à lier par une
suite de faits intermédiaires, inconnus ou regardés comme tels, c'est à
l'histoire, quand on l'a, de donner les faits qui les lient; c'est à la
philosophie, à son défaut, de déterminer les faits semblables qui peuvent
les lier; enfin sur ce qu'en matière d'événements la similitude réduit les
faits à un beaucoup plus petit nombre de classes différentes qu'on ne se
l'imagine. Il me suffit d'offrir ces objets à la considération de mes
juges: il me suffit d'avoir fait en sorte que les lecteurs vulgaires
n'eussent pas besoin de les considérer.
Suivantes |
S E C O N D P A R T .
The first Man, who, after enclosing a Piece of Ground,
took it into his Head to say, This is mine, and found People simple
enough to believe him, was the true Founder of civil Society. How many
Crimes, how many Wars, how many Murders, how many Misfortunes and Horrors,
would that Man have saved the Human Species, who pulling up the Stakes or
filling up the Ditches should have cried to his Fellows: Be sure not to
listen to this Impostor; you are lost, if you forget that the Fruits of
the Earth belong equally to us all, and the Earth itself to nobody! But it
is highly probable that things were now come to such a pass, that they
could not continue much longer in the same Way; for as this Idea of
Property depends on several prior Ideas which could only spring up
gradually
one |
SECONDE PARTIE
Le premier qui, ayant enclos un terrain, s'avisa de dire:
Ceci est à moi, et trouva des gens assez simples pour le croire, fut le
vrai fondateur de la société civile. Que de crimes, de guerres, de
meurtres, que de misères et d'horreurs n'eût point épargnés au genre
humain celui qui, arrachant les pieux ou comblant le fossé, eût crié à ses
semblables: Gardez-vous d'écouter cet imposteur; vous êtes perdus, si vous
oubliez que les fruits sont à tous, et que la terre n'est à personne. Mais
il y a grande apparence, qu'alors les choses en étaient déjà venues au
point de ne pouvoir plus durer comme elles étaient; car cette idée de
propriété, dépendant de beaucoup d'idées antérieures qui n'ont pu naître
que successivement, ne se forma pas tout d'un coup dans l'esprit humain.
Il fallut faire bien des progrès, acquérir bien de l'industrie et des
lumières, les transmettre et les augmenter d'âge en âge, avant que
d'arriver à ce dernier terme de l'état de nature.
Suivantes |
one after another, it was not formed all at
once in the Human Mind: Men must have made a great Progress; they must
have acquired a great stock of Industry and Knowledge, and transmitted and
increased it from Age to Age before they could arrive at this last Term of
the State of Nature. Let us therefore take up things a little higher, and
collect into one Point of View, and in their most natural Order, this slow
Sucession of Events and mental
Improvements. The first Sentiment of Man
was that of his Existence, his first Care that of preserving it. The
Productions of the Earth yielded him all the Assistance he required,
Instinct prompted him to make use of them. Among the various Appetites,
which made him at different Times experience different Modes of Existence,
there was one that excited him to perpetuate his Species; and this
blind
Propensity, |
Reprenons donc les choses de plus haut et tâchons
de rassembler sous un seul point de vue cette lente succession
d'événements et de connaissances, dans leur ordre le plus
naturel. Le premier sentiment de l'homme
fut celui de son existence, son premier soin celui de sa conservation. Les
productions de la terre lui fournissaient tous les secours nécessaires,
l'instinct le porta à en faire usage. La faim, d'autres appétits lui
faisant éprouver tour à tour diverses manières d'exister, il y en eut une
qui l'invita à perpétuer son espèce; et ce penchant aveugle, dépourvu de
tout sentiment du coeur, ne produisait qu'un acte purement animal.
Suivantes |
Propensity, quite void of any thing like pure Love or
Affection, produced nothing but an Act that was merely Animal. The present
Heat once allayed, the Sexes took no further Notice of each other, and
even the Child ceased to have any Tie in his Mother, the Moment he ceased
to want her Assistance. Such was the
Condition of Infant Man; such was the Life of an Animal confined at first
to pure Sensations, and so far from harbouring any Thought of forcing her
Gifts from Nature, that he scarcely availed himself of those which she
offered to him of her own accord. But Difficulties soon arose, and there
was a Necessity for learning how to surmount them: the Height of some
Trees, which prevented his reaching their Fruits; the Competition of other
Animals equally fond of the same Fruits; the Fierceness of many that even
aimed at his Life; these were so many
Circumstances, |
Le besoin satisfait, les deux sexes ne se
reconnaissaient plus, et l'enfant même n'était plus rien à la mère sitôt
qu'il pouvait se passer d'elle. Telle fut
la condition de l'homme naissant; telle fut la vie d'un animal borné
d'abord aux pures sensations, et profitant à peine des dons que lui
offrait la nature, loin de songer à lui rien arracher; mais il se présenta
bientôt des difficultés, il fallut apprendre à les vaincre: la hauteur des
arbres qui l'empêchait d'atteindre à leurs fruits, la concurrence des
animaux qui cherchaient à s'en nourrir, la férocité de ceux qui en
voulaient à sa propre vie, tout l'obligea de s'appliquer aux exercices du
corps; il fallut se rendre agile, vite à la course, vigoureux au combat.
Les armes naturelles, qui sont les branches d'arbre et les pierres se
trouvèrent bientôt sous sa main.
Suivantes |
Circumstances, which obliged him to apply to
bodily Exercise. There was a Necessity for becoming active, swift-footed,
and sturdy in Battle. The natural Arms, which are Stones and the Branches
of Trees, soon offered themselves to his Assistance. He learned to
surmount the Obstacles of Nature, to contend in case of Necessity with
other Animals, to dispute his Subsistence even with other Men, or
indemnify himself for the Loss of whatever he found himself obliged to
part with to the strongest. In Proportion
as the Human Species grew more numberous, and extended itself, its Pains
likewise multiplied and increased. The Difference of Soils, Climates and
Seasons, might have forced Men to observe some Difference in their Way of
living. Bad Harvests, long and severe Winters, and scorching Summers which
parched up all the Fruits of the Earth, required
extraordinary |
Il apprit à surmonter les obstacles de la nature,
à combattre au besoin les autres animaux, à disputer sa subsistance aux
hommes mêmes, ou à se dédommager de ce qu'il fallait céder au plus
fort. A mesure que le genre humain
s'étendit, les peines se multiplièrent avec les hommes. La différence des
terrains, des climats, des saisons, put les forcer à en mettre dans leurs
manières de vivre. Des années stériles, des hivers longs et rudes, des
étés brûlants qui consument tout, exigèrent d'eux une nouvelle industrie.
Le long de la mer, et des rivières, ils inventèrent la ligne et l'hameçon,
et devinrent pêcheurs et ichtyophages. Dans les forêts ils se firent des
arcs et des flèches, et devinrent chasseurs et guerriers.
Suivantes |
extraordinary Exertions of Industry. On the Sea Shore,
and the Banks of Rivers, they invented the Line and the Hook, and became
Fishermen and Ichtyophagous. In the Forests they made themselves Bows and
Arrows, and became Huntsmen and Warriors. In the cold Countries they
covered themsevles with the Skins of the Beasts they had killed; Thunder,
a Volcano, or some happy Accident made them acquainted with Fire, a new
Resource against the Rigors of Winter: they discovered the Method of
preserving this Element, then that of reproducing it, and lastly the Way
of preparing with it the Flesh of Animals, which heretofore they devoured
raw from the Carcase. This reiterated
Application of various Beings to himself, and to one another, must have
naturally engendered in the Mind of Man the Idea of certain
Relations. |
Dans les pays froids ils se couvrirent des peaux
des bêtes qu'ils avaient tuées. Le tonnerre, un volcan, ou quelque heureux
hasard, leur fit connaître le feu, nouvelle ressource contre la rigueur de
l'hiver: ils apprirent à conserver cet élément, puis à le reproduire, et
enfin à en préparer les viandes qu'auparavant ils dévoraient crues.
Suivantes |
Relations. These Relations, which we express
by the Words, great, little, strong, weak, swift, slow, fearful, bold,
and the like, compared occasionally, and almost without thinking of it,
produced in him some kind of Reflection, or rather a mechanical Prudence,
which pointed out to him the Precautions most essential to his
Preservation and Safety. The new Lights
resulting from this Development increased his Superiority over other
Animals, by making him sensible of it. He laid himself out to ensnare
them; he played them a thousand Tricks; and tho' several surpassed him in
Strength or in Swiftness, he in time became the Master of those that could
be of any Service to him, and a fore Enemy to those that could do him any
Mischief. 'Tis thus, that the first look he gave into himself produced the
first Emotion of Pride in him; 'tis thus that, at a time he scarce
knew
how |
Cette application
réitérée des êtres divers à lui-même, et les uns aux autres, dut
naturellement engendrer dans l'esprit de l'homme les perceptions de
certains rapports. Ces relations que nous exprimons par les mots de grand,
de petit, de fort, de faible, de vite, de lent, de peureux, de hardi, et
d'autres idées pareilles, comparées au besoin, et presque sans y songer,
produisirent enfin chez lui quelque sorte de réflexion, ou plutôt une
prudence machinale qui lui indiquait les précautions les plus nécessaires
à sa sûreté. Les nouvelles lumières qui
résultèrent de ce développement augmentèrent sa supériorité sur les autres
animaux, en la lui faisant connaître. Il s'exerça à leur dresser des
pièges, il leur donna le change en mille manières, et quoique plusieurs le
surpassassent en force au combat, ou en vitesse à la course, de ceux qui
pouvaient lui servir ou lui nuire, il devint avec le temps le maître des
uns, et le fléau des autres.
Suivantes |
how to distinguish between the different
Ranks of Existence, by attributing to his Species the first Rank among
Animals in general, he prepared himself at a Distance to pretend to it as
an Individual among those of his own Species in
particular. Tho' other Men were not to
him what they are to us, and he had scarce more Intercourse with them than
with other Animals, they were not overlooked in his Observations. The
Conformities, which in time he might discover between them, and between
himself and his Female, made him judge of those he did not perceive; and
seeing that they all behaved as himself would have done in similar
Circumstances, he concluded that their manner of thinking and willing was
quite conformable to his own; and this important Truth, when once engraved
deeply on his Mind, made him follow, by a Presentiment as sure as any
Logic, |
C'est ainsi que le premier regard qu'il porta sur
lui-même y produisit le premier mouvement d'orgueil; c'est ainsi que
sachant encore à peine distinguer les rangs, et se contemplant au premier
par son espèce, il se préparait de loin à y prétendre par son
individu. Quoique ses semblables ne
fussent pas pour lui ce qu'ils sont pour nous, et qu'il n'eût guère plus
de commerce avec eux qu'avec les autres animaux, ils ne furent pas oubliés
dans ses observations. Les conformités que le temps put lui faire
apercevoir entre eux, sa femelle et lui-même, le firent juger de celles
qu'il n'apercevait pas, et voyant qu'ils se conduisaient tous, comme il
aurait fait en de pareilles circonstances, il conclut que leur manière de
penser et de sentir était entièrement conforme à la sienne, et cette
importante vérité, bien établie dans son esprit, lui fit suivre par un
pressentiment aussi sûr et plus prompt que la dialectique les meilleures
règles de conduite que pour son avantage et sa sûreté il lui convînt de
garder avec eux.
Suivantes |
Logic, and withal much quicker, the best
Rules of conduct, which for the sake of his own Safety and Advantage it
was proper he should observe towards
them. Instructed by experience that the
Love of Happiness is the sole Principle of all human Actions, he found
himself in a Condition to distinguish the few Cases, in which common
Interest might authorize him to build upon the Assistance of his Fellows,
and those still fewer, in which a competition of Interests might justly
render it suspected. In the first Case he united with them in the same
Flock, or at most by some kind of free Association which obliged none of
its Members, and lasted no longer than the transitory Necessity that had
given birth to it. In the second Case every one aimed at his own private
Advantage, either by open Force if he found himself strong enough, or by
Cunning and Address if
he |
Instruit par
l'expérience que l'amour du bien-être est le seul mobile des actions
humaines, il se trouva en état de distinguer les occasions rares où
l'intérêt commun devait le faire compter sur l'assistance de ses
semblables, et celles plus rares encore où la concurrence devait le faire
défier d'eux. Dans le premier cas il s'unissait avec eux en troupeau, ou
tout au plus par quelque sorte d'association libre qui n'obligeait
personne, et qui ne durait qu'autant que le besoin passager qui l'avait
formée. Dans le second chacun cherchait à prendre ses avantages, soit à
force ouverte s'il croyait le pouvoir, soit par adresse et subtilité s'il
se sentait le plus faible.
Suivantes |
he thought himself too weak to use
Violence. Such was the manner in
which Men might have insensibly acquired some gross Idea of their
mutual Engagements and the Advantage of fulfilling them, but this
only as far as their present and sensible Interest required; for as
to Foresight they were utter Strangers to it, and far from troubling
their Heads about a distant Futurity, they scarce thought of the Day
following. Was a Deer to be taken? Every one saw that to succeed he
must faithfully stand to his Post; but suppose a Hare to have slipt
by within reach of any one of them, it is not to be doubted but he
pursued it without scruple, and when he had seized his Prey never
reproached himself with having made his Comapnions miss theirs.
We |
Voilà comment
les hommes purent insensiblement acquérir quelque idée grossière des
engagements mutuels, et de l'avantage de les remplir, mais seulement
autant que pouvait l'exiger l'intérêt présent et sensible; car la
prévoyance n'était rien pour eux, et loin de s'occuper d'un avenir
éloigné, ils ne songeaient pas même au lendemain. S'agissait-il de
prendre un cerf, chacun sentait bien qu'il devait pour cela garder
fidèlement son poste; mais si un lièvre venait à passer à la portée
de l'un d'eux, il ne faut pas douter qu'il ne le poursuivît sans
scrupule, et qu'ayant atteint sa proie il ne se souciât fort peu de
faire manquer la leur à ses compagnons.
Suivantes |
We may
easily conceive that such an Intercourse scarce required a more
refined Language than that of Crows and Monkeys, which flock
together almost in the same manner. Inarticulate Exclamations, a
great many Gestures, and some imitative Sounds, must have been for a
long time the universal Language of Mankind, and by joining to these
in every Country some articulate and conventional Sounds, of which,
as I have already hinted, it is not very easy to explain the
Institution, there arose particular Languages, but rude, imperfect,
and such nearly as are to be found at this Day among several Savage
Nations. My Pen, streightened by the Rapidity of Time, the Abundance
of Things I have to say, and the almost insensible Progress of the
first Improvements, flies like an Arrow over numberless Ages; for
the flower the Succession of Events,
the |
Il est aisé
de comprendre qu'un pareil commerce n'exigeait pas un langage
beaucoup plus raffiné que celui des corneilles ou des singes, qui
s'attroupent à peu près de même. Des cris inarticulés, beaucoup de
gestes et quelques bruits imitatifs durent composer pendant
longtemps la langue universelle, à quoi joignant dans chaque contrée
quelques sons articulés et conventionnels dont, comme je l'ai déjà
dit, il n'est pas trop facile d'expliquer l'institution, on eut des
langues particulières, mais grossières, imparfaites, et telles à peu
près qu'en ont encore aujourd'hui diverses nations sauvages. Je
parcours comme un trait des multitudes de siècles, forcé par le
temps qui s'écoule, par l'abondance des choses que j'ai à dire, et
par le progrès presque insensible des commencements; car plus les
événements étaient lents à se succéder, plus ils sont prompts à
décrire.
Suivantes |
the quicker I may allow myself to be in
relating them. At length, these
first Improvements enabled Man to improve at a greater Rate.
Industry grew perfect in Proportion as the Mind became more
enlightened. Men, soon ceasing to fall asleep under the first Tree,
or take shelter in the first Cavern, light upon some hard and sharp
kinds of Stone resembling Spades or Hatchets, and employed them to
dig the Ground, cut down Trees, and with the Branches build Huts,
which they afterwards bethought themselves of plaistering over with
Clay or Dirt. This was the Epocha of a first Revolution, which
produced the Establishment and Distinction of Families, and which
introduced a Species of Property, and along with it perhaps a
thousand Quarrels and Battles. As the Strongest however were
probably the first to make themselves Cabins, which they
knew |
Ces premiers
progrès mirent enfin l'homme à portée d'en faire de plus rapides.
Plus l'esprit s'éclairait, et plus l'industrie se perfectionna.
Bientôt cessant de s'endormir sous le premier arbre, ou de se
retirer dans des cavernes, on trouva quelques sortes de haches de
pierres dures et tranchantes, qui servirent à couper du bois,
creuser la terre et faire des huttes de branchages, qu'on s'avisa
ensuite d'enduire d'argile et de boue.
Suivantes |
knew they were able to defend, we may
conclude that the Weak found it much shorter and safer to imitate,
than to attempt to dislodge them: and as to those, who were already
provided with Cabins, no one could have any great Temptation to
seize upon that of his Neighbour, not so much because it did not
belong to him, as because it could be of no Service to him; and as
besides to make himself Master of it, he must expose himself to a
very sharp Conflict with the present
Occupiers. The first Developments
of the Heart were the Effects of a new Situation, which united
Husbands and Wives, Parents and Children, under one Roof; the Habit
of Living together gave birth to the sweetest Sentiments the human
Species is acquainted with, conjugal and paternal Love. Every Family
became a little Society, so much the more firmly
united, |
Ce fut là l'époque d'une première
révolution qui forma l'établissement et la distinction des familles,
et qui introduisit une sorte de propriété; d'où peut-être naquirent
déjà bien des querelles et des combats. Cependant comme les plus
forts furent vraisemblablement les premiers à se faire des logements
qu'ils se sentaient capables de défendre, il est à croire que les
faibles trouvèrent plus court et plus sûr de les imiter que de
tenter de les déloger; et quant à ceux qui avaient déjà des cabanes,
chacun dut peu chercher à s'approprier celle de son voisin, moins
parce qu'elle ne lui appartenait pas que parce qu'elle lui était
inutile et qu'il ne pouvait s'en emparer, sans s'exposer à un combat
très vif avec la famille qui l'occupait.
Suivantes |
united, as a mutual Attachment and
Liberty were the only Bonds of it; and it was now that the Sexes,
whose way of Life had been hitherto the same, began to adopt
different Manners and Customs. The Women became more sedentary, and
accustomed themselves to stay at home and look after the Children,
while the Men rambled abroad in quest of Subsistence for the whole
Family. The two Sexes likewise by living a little more at their Ease
began to lose somewhat of their usual Ferocity and Sturdiness: but
if on the one hand Individuals became less able to engage separately
with wild Beasts, they on the other were more easily got together to
make a common Resistance against
them. In this new state of Things,
the Simplicity and Solitariness of Man's Life, the Limitedness of
his Wants, and the Instruments which he had invented to
satisfy |
Les premiers
développements du coeur furent l'effet d'une situation nouvelle qui
réunissait dans une habitation commune les maris et les femmes, les
pères et les enfants; l'habitude de vivre ensemble fit naître les
plus doux sentiments qui soient connus des hommes, l'amour conjugal,
et l'amour paternel. Chaque famille devint une petite société
d'autant mieux unie que l'attachement réciproque et la liberté en
étaient les seuls liens; et ce fut alors que s'établit la première
différence dans la manière de vivre des deux sexes, qui jusqu'ici
n'en avaient eu qu'une. Les femmes devinrent plus sédentaires et
s'accoutumèrent à garder la cabane et les enfants, tandis que
l'homme allait chercher la subsistance commune. Les deux sexes
commencèrent aussi par une vie un peu plus molle à perdre quelque
chose de leur férocité et de leur vigueur: mais si chacun séparément
devint moins propre à combattre les bêtes sauvages, en revanche il
fut plus aisé de s'assembler pour leur résister en commun.
Suivantes |
satisy them, leaving him a great deal
of Leisure, he employed it to supply himself with several
Convenience unknown to his Ancestors; and this was the first Yoke he
inadvertently imposed upon himself, and the first Source of Mischief
which he prepared for his Children; for besides continuing in this
manner to soften both Body and Mind, these Conveniences having thro'
use lost almost all their aptness to please, and even degnerated
into real Wants, the Privation of them became far more intolerable
than the Possession of them had been agreeable; to lose them was a
Misfortune, to possess them no
Happiness. Here we may a little
better discover how the Use of Speech insensibly commences or
improves in the Bosom of Every Family, and may likewise form
Conjectures concerning the manner in which divers particular Causes
might have
propagated |
Dans ce
nouvel état, avec une vie simple et solitaire, des besoins très
bornés, et les instruments qu'ils avaient inventés pour y pourvoir,
les hommes jouissant d'un fort grand loisir l'employèrent à se
procurer plusieurs sortes de commodités inconnues à leurs pères; et
ce fut là le premier joug qu'ils s'imposèrent sans y songer, et la
première source de maux qu'ils préparèrent à leurs descendants; car
outre qu'ils continuèrent ainsi à s'amollir le corps et l'esprit,
ces commodités ayant par l'habitude perdu presque tout leur
agrément, et étant en même temps dégénérées en de vrais besoins, la
privation en devint beaucoup plus cruelle que la possession n'en
était douce, et l'on était malheureux de les perdre, sans être
heureux de les posséder.
Suivantes |
propagated Language, and accelerated
its Progress by rendering it every Day more and more necessary.
Great Inundations or Earthquakes surrounded inhabited Districts with
Water or Precipices. Portions of the Continent were by Revolutions
of the Globe torn off and split into Islands. It is obvious that
among Men thus collected, and forced to live together, a common
Idiom must have started up much sooner, than among those who freely
wandered thro' the Forests of the main Land. Thus it is very
possible that the Inhabitants of the Islands formed in this manner,
after their first Essays in Navigation, brought among us the use of
Speech; and it is very probable at least that Society and Languages
commenced in Islands, and even acquired Perfection there, before the
Inhabitants of the Continent knew any thing of either.
Every |
On entrevoit
un peu mieux ici comment l'usage de la parole s'établit ou se
perfectionne insensiblement dans le sein de chaque famille, et l'on
peut conjecturer encore comment diverses causes particulières purent
étendre le langage, et en accélérer le progrès en le rendant plus
nécessaire. De grandes inondations ou des tremblements de terre
environnèrent d'eaux ou de précipices des cantons habités; des
révolutions du globe détachèrent et coupèrent en îles des portions
du continent. On conçoit qu'entre des hommes ainsi rapprochés et
forcés de vivre ensemble, il dut se former un idiome commun plutôt
qu'entre ceux qui erraient librement dans les forêts de la terre
ferme. Ainsi il est très possible qu'après leurs premiers essais de
navigation, des insulaires aient porté parmi nous l'usage de la
parole; et il est au moins très vraisemblable que la société et les
langues ont pris naissance dans les îles et s'y sont perfectionnées
avant que d'être connues dans le continent.
Suivantes |
Every
thing now begins to wear a new Aspect. Those who heretofore wandered
thro' the Woods, by taking to a more settled Way of Life, gradually
stock together, coalesce into several separate Bodies, and at length
from in every Country distinct Nations, united in Character and
Manners, not by an Laws or Regulations, but by an uniform Manner of
Life, a Sameness of Provisions, and the common Influence of the
Climate. A permanent Neighbourhood must at last infallibly create
some Connection between different Families. The transitory Commerce
required by Nature soon produced, among the Youth of both Sexes
living in contiguous Cabins, another kind of Commerce, which besides
being equally agreeable is rendered more durable by mutual
Intercourse. Men begin to consider different Objects, and to make
Comparisons; they insensibly acquire Ideas of Merit and Beauty and
these soon
produce |
Tout commence à changer de face. Les hommes
errant jusqu'ici dans les bois, ayant pris une assiette plus fixe,
se rapprochent lentement, se réunissent en diverses troupes, et
forment enfin dans chaque contrée une nation particulière, unie de
moeurs et de caractères, non par des règlements et des lois, mais
par le même genre de vie et d'aliments, et par l'influence commune
du climat. Un voisinage permanent ne peut manquer d'engendrer enfin
quelque liaison entre diverses familles. De jeunes gens de
différents sexes habitent des cabanes voisines, le commerce passager
que demande la nature en amène bientôt un autre non moins doux et
plus permanent par la fréquentation mutuelle.
Suivantes |
produce Sentiments of Preference. By
seeing each other often they contract a habit, which makes it
painful not to see each other always. Tender and agreeable
Sentiments steal into the Soul, and are by the smallest Opposition
wound up into the most impetuous Fury: Jealousy kindles with Love;
Discord triumphs; and the gentlest of Passions requires Sacrifices
of human Blood to appease it. In
Proportion as Ideas and Sentiments succeed each other, and the Head
and the Heart exercise themselves, Men continue to shake off their
original Wildness, and their Connections become more intimate and
extensive. They now begin to assemble round a great Tree: Singing
and Dancing, the genuine Offspring of Love and Leisure, become the
Amusement or rather the Occupation of the Men and Women, free from
Care, thus gathered together. Every one
begins |
On s'accoutume à considérer différents
objets et à faire des comparaisons; on acquiert insensiblement des
idées de mérite et de beauté qui produisent des sentiments de
préférence. A force de se voir, on ne peut plus se passer de se voir
encore. Un sentiment tendre et doux s'insinue dans l'âme, et par la
moindre opposition devient une fureur impétueuse: la jalousie
s'éveille avec l'amour; la discorde triomphe et la plus douce des
passions reçoit des sacrifices de sang humain.
A mesure que les idées et les
sentiments se succèdent, que l'esprit et le coeur s'exercent, le
genre humain continue à s'apprivoiser, les liaisons s'étendent et
les liens se resserrent. On s'accoutuma à s'assembler devant les
cabanes ou autour d'un grand arbre: le chant et la danse, vrais
enfants de l'amour et du loisir, devinrent l'amusement ou plutôt
l'occupation des hommes et des femmes oisifs et attroupés.
Suivantes |
begins to survey the rest, and wishes
to be surveyed himself; and public Esteem acquires a Value. He who
sings or dances best; the handsomest, the strongest, the most
dexterous, the most eloquent, comes to be the most respected: this
was the first Step towards Inequality, and at the same time towards
Vice. From these first Preferences there proceeded on one side
Vanity and Contempt, on the other Envy and Shame; and the
Fermentation raised by these new Levains at length produced
Combinations fatal to Happiness and
Innocence. Men no sooner began to
set a Value upon each other, and know what Esteem was, than each
laid claim to it, and it was no longer safe for any Man to refuse it
to another. Hence the first Duties of Civility and Politeness, even
among Savages; and hence every voluntary Injury
became |
Chacun commença à regarder les autres et à
vouloir être regardé soi-même, et l'estime publique eut un prix.
Celui qui chantait ou dansait le mieux; le plus beau, le plus fort,
le plus adroit ou le plus éloquent devint le plus considéré, et ce
fut là le premier pas vers l'inégalité, et vers le vice en même
temps: de ces premières préférences naquirent d'un côté la vanité et
le mépris, de l'autre la honte et l'envie; et la fermentation causée
par ces nouveaux levains produisit enfin des composés funestes au
bonheur et à l'innocence. Sitôt que
les hommes eurent commencé à s'apprécier mutuellement et que l'idée
de la considération fut formée dans leur esprit, chacun prétendit y
avoir droit, et il ne fut plus possible d'en manquer impunément pour
personne.
Suivantes |
became an Affront, as besides the
Mischief, which resulted from it as an Injury, the Party offended
was sure to find in it a Contempt for his Person more intolerable
than the Mischief itself. It is thus that every Man, punishing the
contempt expressed for him by others in proportion to the value he
set upon himself, the Effects of Revenge became terrible, and Men
learned to be sanguinary and cruel. Such precisely was the Degree
attained by most of the savage Nations with whom we are acquainted.
And it is for want of sufficiently distinguishing Ideas, and
observing at how great a Distance these People were from the first
state of Nature, that so many Authors have hastily concluded that
Man is naturally cruel, and requires a regular System of Police to
be reclaimed; whereas nothing can be more gentle than him in his
primitive State, when placed by Nature at an equal Distance from the
Stupidity of
Brutes, |
De là sortirent les premiers devoirs de la
civilité, même parmi les sauvages, et de là tout tort volontaire
devint un outrage, parce qu'avec le mal qui résultait de l'injure,
l'offensé y voyait le mépris de sa personne souvent plus
insupportable que le mal même. C'est ainsi que chacun punissant le
mépris qu'on lui avait témoigné d'une manière proportionnée au cas
qu'il faisait de lui-même, les vengeances devinrent terribles, et
les hommes sanguinaires et cruels. Voilà précisément le degré où
étaient parvenus la plupart des peuples sauvages qui nous sont
connus; et c'est faute d'avoir suffisamment distingué les idées,
Suivantes |
Brutes, and the pernicious good Sense
of civilized Man; and equally confined by Instinct and Reason to the
Care of providing against the Mischief which threatens him, he is
withheld by natural Compassion from doing any Injury to others, so
far from being ever so little prone even to return that which he has
received. For according to the Axiom of the wise Locke, Where
there is no Property, there can be no
Injury. But we must take
notice, that the Society now formed and the Relations now
established among Men required in them Qualities different from
those, which they derived from their primitive Constitution; that as
a Sense of Morality began to insinuate itself into human Actions,
and every Man, before the enacting of Laws, was the only Judge and
Avenger of the Injuries he had received, that Goodness of Heart
suitable to the
pure |
et remarqué combien ces peuples étaient
déjà loin du premier état de nature, que plusieurs se sont hâtés de
conclure que l'homme est naturellement cruel et qu'il a besoin de
police pour l'adoucir, tandis que rien n'est si doux que lui dans
son état primitif, lorsque placé par la nature à des distances
égales de la stupidité des brutes et des lumières funestes de
l'homme civil, et borné également par l'instinct et par la raison à
se garantir du mal qui le menace, il est retenu par la pitié
naturelle de faire lui-même du mal à personne, sans y être porté par
rien, même après en avoir reçu. Car, selon l'axiome du sage Locke,
il ne saurait y avoir d'injure, où il n'y a point de
propriété. Mais il faut
remarquer que la société commencée et les relations déjà établies
entre les hommes exigeaient en eux des qualités différentes de
celles qu'ils tenaient de leur constitution primitive; que la
moralité commençant à s'introduire dans les actions humaines, et
chacun avant les lois étant seul juge et vengeur des offenses qu'il
avait reçues,
Suivantes |
pure State of Nature by no Means suited
infant Society; that it was necessary Punishments should become
severer in the same Proportion that the Opportunities of offending
became more frequent, and the Dread of Vengeance add Strength to the
too weak curb of the Law. Thus, tho' Men were become less patient,
and natural Compassion had already suffered some Alteration, this
Period of the Development of the human Faculties, holding a just
Mean between the Indolence of the primitive State, and the petulant
Activity of Self-love, must have been the happiest and most durable
Epocha. The more we reflect on this State, the more convinced we
shall be, that it was the least subject of any to Revolutions, the
best for Man,
(16)
and that nothing could have drawn him out of it but some fatal
Accident, which, for the public good, should never have happened.
The Example of the Savages,
most |
la bonté convenable au pur état de nature
n'était plus celle qui convenait à la société naissante; qu'il
fallait que les punitions devinssent plus sévères à mesure que les
occasions d'offenser devenaient plus fréquentes, et que c'était à la
terreur des vengeances de tenir lieu du frein des lois. Ainsi
quoique les hommes fussent devenus moins endurants, et que la pitié
naturelle eût déjà souffert quelque altération, cette période du
développement des facultés humaines, tenant un juste milieu entre
l'indolence de l'état primitif et la pétulante activité de notre
amour-propre, dut être l'époque la plus heureuse et la plus durable.
Plus on y réfléchit, plus on trouve que cet état était le moins
sujet aux révolutions, le meilleur à l'homme (Note 16), et qu'il
n'en a dû sortir que par quelque funeste hasard qui pour l'utilité
commune eût dû ne jamais arriver.
Suivantes |
most of whom have been found in this
Condition, seems to confirm that Mankind was formed ever to remain
in it, that this Condition is the real Youth of the World, and that
all ulterior Improvements have been so many Steps, in Appearance
towards the Perfection of Individuals, but in Fact towards the
Decrepitness of the Species. As
long as Men remained satisfied with their rustic Cabins; as long as
they conbined themselves to the use of Clothes made of the Skins of
other Animals, and the use of Thorns and Fish-bones, in putting
these Skins together; as long as they continued to consider Feathers
and Shells as sufficient Ornaments, and to paint their Bodies of
different Colours, to improve or ornament their Bows and Arrows, to
form and scoop out with sharp-edged Stones some little fishing
Boats, or clumsey Instruments of Music; in a
word, |
L'exemple des sauvages qu'on a presque tous
trouvés à ce point semble confirmer que le genre humain était fait
pour y rester toujours, que cet état est la véritable jeunesse du
monde, et que tous les progrès ultérieurs ont été en apparence
autant de pas vers la perfection de l'individu, et en effet vers la
décrépitude de l'espèce. Tant que
les hommes se contentèrent de leurs cabanes rustiques, tant qu'ils
se bornèrent à coudre leurs habits de peaux avec des épines ou des
arêtes, à se parer de plumes et de coquillages, à se peindre le
corps de diverses couleurs, à perfectionner ou à embellir leurs arcs
et leurs flèches, à tailler avec des pierres tranchantes quelques
canots de pêcheurs ou quelques grossiers instruments de musique, en
un mot tant qu'ils ne s'appliquèrent qu'à des ouvrages qu'un seul
pouvait faire,
Suivantes |
word, as long as they undertook such
Works only as a single Person could finish, and stuck to such Arts
as did not require the joint Endeavours of several Hands, they lived
free, healthy, honest and happy, as much as their Nature would
admit, and continued to enjoy with each other all the Pleasures of
an independent Intercourse; but from the Moment one Man began to
stand in need of another's Assistance; from the Moment it appeared
an Advantage for one Man to possess the Quantity of Provisions
requisite for two, all Equality vanished; Property started up;
Labour became necessary; and boundless Forests became smiling
Fields, which it was found necessary to water with human Sweat, and
in whci Slavery and Misery were soon seen to sprout out and grow
with the Fruits of the
Earth. Metallurgy and Agriculture
were the two Arts whose Invention produced this
great |
et qu'à des arts qui n'avaient pas besoin
du concours de plusieurs mains, ils vécurent libres, sains, bons et
heureux autant qu'ils pouvaient l'être par leur nature, et
continuèrent à jouir entre eux des douceurs d'un commerce
indépendant: mais dès l'instant qu'un homme eut besoin du secours
d'un autre; dès qu'on s'aperçut qu'il était utile à un seul d'avoir
des provisions pour deux, l'égalité disparut, la propriété
s'introduisit, le travail devint nécessaire et les vastes forêts se
changèrent en des campagnes riantes qu'il fallut arroser de la sueur
des hommes, et dans lesquelles on vit bientôt l'esclavage et la
misère germer et croître avec les moissons.
Suivantes |
great Revolution. With the Poet, it is
Gold and Silver, but with the Philosopher, it is Iron and Corn,
which have civilized Men, and ruined Mankind. Accordingly both one
and the other were unknown to the Savages of America, who for
that very Reason have always continued Savages; nay other Nations
seem to have continued in a State of Barbarism, as long as they
continued to exercise one only of these Arts without the other; and
perhaps one of the best Reasons that can be assigned, why
Europe has been, if not earlier, at least more constantly and
better civilized than the other Quarters of the world, is that she
both abounds most in Iron and is best qualified to produce
Corn. It is a very difficult Matter
to tell how Men came to know any thing of Iron, and the Art of
employing it: for we are not to suppose that they should of
themselves think of digging it out
of |
La
métallurgie et l'agriculture furent les deux arts dont l'invention
produisit cette grande révolution. Pour le poète, c'est l'or et
l'argent, mais pour lp philosophe ce sont le fer et le blé qui ont
civilisé les hommes et perdu le genre humain; aussi l'un et l'autre
étaient-ils inconnus aux sauvages de l'Amérique qui pour cela sont
toujours demeurés tels; les autres peuples semblent même être restés
barbares tant qu'ils ont pratiqué l'un de ces arts sans l'autre; et
l'une des meilleures raisons peut-être pourquoi l'Europe a été,
sinon plus tôt, du moins plus constamment et mieux policée que les
autres parties du monde, c'est qu'elle est à la fois la plus
abondante en fer et la plus fertile en blé.
Suivantes |
of the Mine, and preparing it for
Fusion, before they knew what could be the Result of such a Process.
On the other hand, there is the less Reason to attribute this
Discovery to any accidental Fire, as Mines are formed no where but
in dry and barren places, and such as are bare of Trees and Plants,
so that it looks as if Nature had taken Pains to keep from us so
mischievous a Secret. Nothing therefore remains but the
extraordinary Circumstance of some Vulcano, which belching forth
metallic Substances ready fused might have given the Spectators a
Notion of imitating that Operation of Nature; and after all we must
suppose them endued with an extraordinary stock of Courage and
Foresight to undertake so painful a Work, and have, at so great a
Distance, an Eye to the Advantages they might derive from it;
Qualities scarcely suitable but to Heads more exercised, than those
of
such |
Il est très
difficile de conjecturer comment les hommes sont parvenus à
connaître et employer le fer: car il n'est pas croyable qu'ils aient
imaginé d'eux-mêmes de tirer la matière de la mine et de lui donner
les préparations nécessaires pour la mettre en fusion avant que de
savoir ce qui en résulterait. D'un autre côté on peut d'autant moins
attribuer cette découverte à quelque incendie accidentel que les
mines ne se forment que dans des lieux arides et dénués d'arbres et
de plantes, de sorte qu'on dirait que la nature avait pris des
précautions pour nous dérober ce fatal secret. Il ne reste donc que
la circonstance extraordinaire de quelque volcan qui, vomissant des
matières métalliques en fusion, aura donné aux observateurs l'idée
d'imiter cette opération de la nature; encore faut-il leur supposer
bien du courage et de la prévoyance pour entreprendre un travail
aussi pénible et envisager d'aussi loin les avantages qu'ils en
pouvaient retirer; ce qui ne convient guère à des esprits déjà plus
exercés que ceux-ci ne le devaient être.
Suivantes |
such Discoverers can be supposed to
have been. As to Agriculture, the
Principles of it were known a long time before the Practice of it
took place, and it is hardly possible that Men, constantly employed
in drawing their Subsistence from Trees and Plants, should not have
early hit on the Means employed by Nature for the Generation of
Vegetables; but in all Probability it was very late before their
Industry took a turn that Way, either because Trees, which with
their Land and Water Came supplied them with sufficient Food, did
not require their Attention; or because they did not know the use of
Corn; or because they had no Instruments to cultivate it; or because
they were destitute of Foresight in regard to future Necessities; or
in fine, because they wanted Means to hinder others from running
away with the Fruit of their Labours. We may believe that
on |
Quant à
l'agriculture, le principe en fut connu longtemps avant que la
pratique en fût établie, et il n'est guère possible que les hommes
sans cesse occupés à tirer leur subsistance des arbres et des
plantes n'eussent assez promptement l'idée des voies que la nature
emploie pour la génération des végétaux; mais leur industrie ne se
tourna probablement que fort tard de ce côté-là, soit parce que les
arbres, qui avec la chasse et la pêche fournissaient à leur
nourriture, n'avaient pas besoin de leurs soins, soit faute de
connaître l'usage du blé, soit faute d'instruments pour le cultiver,
soit faute de prévoyance pour le besoin à venir, soit enfin faute de
moyens pour empêcher les autres de s'approprier le fruit de leur
travail.
Suivantes |
on their becoming more industrious they
began their Agriculture by cultivating with sharp Stones and pointed
Sticks a few Pulse or Roots about their Cabins; and that it was a
long time before they knew the Method of preparing Corn, and were
provided with Instruments necessary to raise it in large Quantities;
not to mention the Necessity there is, in order to follow this
Occupation and sow Lands, to consent to lose something at present to
gain a great deal hereafter; a Precaution very foreign to the turn
of Man's Mind in a savage State, in which, as I have already taken
notice, he can hardly foresee his Wants from Morning to
Night. For this Reason the
Invention of other Arts must have been necessary to oblige Mankind
to apply to that of Agriculture. As soon as Men were wanted to fuse
and forge Iron, others were wanted to maintain them. The more Hands
were
employed |
Devenus plus industrieux, on peut croire
qu'avec des pierres aiguës et des bâtons pointus ils commencèrent
par cultiver quelques légumes ou racines autour de leurs cabanes,
longtemps avant de savoir préparer le blé, et d'avoir les
instruments nécessaires pour la culture en grand, sans compter que,
pour se livrer à cette occupation et ensemencer des terres, il faut
se résoudre à perdre d'abord quelque chose pour gagner beaucoup dans
la suite; précaution fort éloignée du tour d'esprit de l'homme
sauvage qui, comme je l'ai dit, a bien de la peine à songer le matin
à ses besoins du soir. L'invention
des autres arts fut donc nécessaire pour forcer le genre humain de
s'appliquer à celui de l'agriculture. Dès qu'il fallut des hommes
pour fondre et forger le fer, il fallut d'autres hommes pour nourrir
ceux-là. Plus le nombre des ouvriers vint à se multiplier,
Suivantes |
employed in Manufactures, the fewer
Hands were left to provide Subsistence for all, tho' the Number of
Mouths to be supplied with Food continued the same; and as some
required Commodities in Exchange for their Iron, the rest at last
found out the Method of making Iron subservient to the
Multiplication of Commodities. Hence on the one hand Husbandry and
Agriculture, and on the other the Art of working Metals and of
multiploying the Uses of them. To
the tilling of the Earth the Distribution of it necessarily
succeeded, and to Property once acknowledged the first Rules of
Justice: for to secure every Man his own, every Man must have
something. Moreover, as Men began to extend their Views to Futurity,
and all found themselves in possession of more or less Goods capable
of being lost, every one in particular had Reason to
fear, |
moins il y eut de mains employées à
fournir à la subsistance commune, sans qu'il y eût moins de bouches
pour la consommer; et comme il fallut aux uns des denrées en échange
de leur fer, les autres trouvèrent enfin le secret d'employer le fer
à la multiplication des denrées. De là naquirent d'un côté le
labourage et l'agriculture, et de l'autre l'art de travailler les
métaux et d'en multiplier les
usages. De la culture des terres
s'ensuivit nécessairement leur partage, et de la propriété une fois
reconnue les premières règles de justice: car pour rendre à chacun
le sien, il faut que chacun puisse avoir quelque chose; de plus les
hommes commençant à porter leurs vues dans l'avenir et se voyant
tous quelques biens à perdre, il n'y en avait aucun qui n'eût à
craindre pour soi la représaille des torts qu'il pouvait faire à
autrui.
Suivantes |
fear, left Reprizals should be made on
him for any Injury he might do to others. This Origin is so much the
more natural, as it is impossible to conceive how Property can flow
from any other Source but Industry; for what can a Man add but his
Labour to things which he has not made, in order to acquire a
Property in them? 'Tis the Labour of the Hands alone, which giving
the Husbandman a Title to the Produce of the Land he has tilled
gives him a Title to the Land itself, at least till he has gathered
in the Fruits of it, and so on from Year to Year; and this Enjoyment
forming a continued Possession is easily transformed into a
Property. The Ancients, says Grotius, by giving to
Ceres the Epithet of Legislatrix, and to a Festival
celebrated in her Honour the Name of Thesmophoria, insinuated
that the Distribution of Lands produced a new kind of Right; that
is, the Right of Property different
from |
Cette origine est d'autant plus naturelle
qu'il est impossible de concevoir l'idée de la propriété naissante
d'ailleurs que de la main-d'oeuvre; car on ne voit pas ce que, pour
s'approprier les choses qu'il n'a point faites, l'homme y peut
mettre de plus que son travail. C'est le seul travail qui donnant
droit au cultivateur sur le produit de la terre qu'il a labourée,
lui en donne par conséquent sur le fond, au moins jusqu'à la
récolte, et ainsi d'année en année, ce qui faisant une possession
continue, se transforme aisément en propriété. Lorsque les Anciens,
dit Grotius, ont donné à Cérès l'épithète de législatrice, et à une
fête célébrée en son honneur le nom de Thesmophories, ils ont fait
entendre par là que le partage des terres a produit une nouvelle
sorte de droit. C'est-à-dire le droit de propriété différent de
celui qui résulte de loi naturelle.
Suivantes |
from that which results from the Law of
Nature. Things thus circumstanced
might have remained equal, if Men's Talents had been equal, and if,
for Instance, the Use of Iron, and the Consumption of Commodities
had always held an exact Proportion to each other; but as this
Proportion had no Support, it was soon broken. The Man that had most
Strength performed most Labour; the most dexterous turned his Labour
to best Account; the most ingenious found out Methods of lessening
his Labour; the Husbandman required more Iron, or the Smith more
Corn, and while both worked equally, one earned a great deal by his
Labour, while the other could scarce live by his. It is thus that
natural Inequality insensibly unfolds itself with that arising from
a Variety of Combinations, and that the
Difference |
Les choses en
cet état eussent pu demeurer égales, si les talents eussent été
égaux, et que, par exemple, l'emploi du fer et la consommation des
denrées eussent toujours fait une balance exacte; mais la proportion
que rien ne maintenait fut bientôt rompue; le plus fort faisait plus
d'ouvrage; le plus adroit tirait meilleur parti du sien; le plus
ingénieux trouvait des moyens d'abréger le travail; le laboureur
avait plus besoin de fer, ou le forgeron plus besoin de blé, et en
travaillant également, l'un gagnait beaucoup tandis que l'autre
avait peine à vivre. C'est ainsi que l'inégalité naturelle se
déploie insensiblement avec celle de combinaison et que les
différences des hommes, développées par celles des circonstances, se
rendent plus sensibles, plus permanentes dans leurs effets, et
commencent à influer dans la même proportion sur le sort des
particuliers.
Suivantes |
Difference among Men, developed by the
Difference of their Circumstances, becomes more sensible, more
permanent in its Effects, and begins to influence in the same
proportion the Condition of private
Persons. Things once arrived at
this Period, it is an easy Matter to imagine the rest. I shall not
stop to describe the successive Inventions of other Arts, the
Progress of Language, the Tryal and Employment of Talents, the
Inequality of Fortunes, the Use or Abuse of Riches, nor all the
Details which follow these, and which every one may easily supply. I
shall just give a glance at Mankind placed in this new Order of
things. Behold then all our
Faculties developed; our Memory and Imagination at work; Self-love
interested; Reason rendered active; and the Mind almost
arrived |
Les choses
étant parvenues à ce point, il est facile d'imaginer le reste. Je ne
m'arrêterai pas à décrire l'invention successive des autres arts, le
progrès des langues, l'épreuve et l'emploi des talents, l'inégalité
des fortunes, l'usage ou l'abus des richesses, ni tous les détails
qui suivent ceux-ci, et que chacun peut aisément suppléer. Je me
bornerai seulement à jeter un coup d'oeil sur le genre humain placé
dans ce nouvel ordre de choses.
Suivantes |
arrived at the utmost Bounds of that
Perfection it is capable of. Behold all our natural Qualities put in
Motion; the Rank and Condition of every Man established, not only as
to the quantum of Property and the Power of serving or hurting
others, but likewise as to Genius, Beauty, Strength or Address,
Merit or Talents; and as these were the only Qualities which could
command Respect, it was found necessary to have or at least to
affect them. It was requisite for Men to be thought what they really
were not. To be and to appear became two very different things, and
from this Distinction sprang Pomp and Kanvery, and all the Vices
which form their Train. On the other hand, Man, heretofore free and
independent, was now in consequence of a Multitude of new Wants
brought under Subjection, as it were, to all Nature, and especially
to his Fellows, whose Slave in some sense he became,
even |
Voilà donc
toutes nos facultés développées, la mémoire et l'imagination en jeu,
l'amour-propre intéressé, la raison rendue active et l'esprit arrivé
presque au terme de la perfection, dont il est susceptible. Voilà
toutes les qualités naturelles mises en action, le rang et le sort
de chaque homme établi, non seulement sur la quantité des biens et
le pouvoir de servir ou de nuire, mais sur l'esprit, la beauté, la
force ou l'adresse, sur le mérite ou les talents, et ces qualités
étant les seules qui pouvaient attirer de la considération, il
fallut bientôt les avoir ou les affecter, il fallut pour son
avantage se montrer autre que ce qu'on était en effet. Etre et
paraître devinrent deux choses tout à fait différentes, et de cette
distinction sortirent le faste imposant, la ruse trompeuse, et tous
les vices qui en sont le cortège.
Suivantes |
even by becoming their Master; if rich,
he stood in need of their Services, if poor, of their Assistance;
even Mediocrity itself could not enable him to do without them. He
must therefore have been continually at work to interest ehm in his
happiness, and make them, if not really, at least apparently find
their Advantage in labouring for his: this rendered him sly and
artful in his dealings with some, imperious and cruel in his
dealings with others, and laid him under the Necessity of using ill
all those whom he stood in need of as often as he could not awe them
into a Compliance with his Will, and did not find it his Interest to
purchase it at the Expence of real Services. In fine, an insatiable
Ambition, the Rage of raising their relative Fortunes, not so much
thro' real Necessity, as to over-top others, inspire all Men with a
wicked Inclination to injure each other, and with a secret Jealousy
so much the more dangerous, as to carry its
Point |
D'un autre côté, de libre et indépendant
qu'était auparavant l'homme, le voilà par une multitude de nouveaux
besoins assujetti, pour ainsi dire, à toute la nature, et surtout à
ses semblables dont il devient l'esclave en un sens, même en
devenant leur maître; riche, il a besoin de leurs services; pauvre,
il a besoin de leur secours, et la médiocrité ne le met point en
état de se passer d'eux. Il faut donc qu'il cherche sans cesse à les
intéresser à son sort, et à leur faire trouver en effet ou en
apparence leur profit à travailler pour le sien: ce qui le rend
fourbe et artificieux avec les uns, impérieux et dur avec les
autres, et le met dans la nécessité d'abuser tous ceux dont il a
besoin, quand il ne peut s'en faire craindre, et qu'il ne trouve pas
son intérêt à les servir utilement.
Suivantes |
Point with the greater Security it
often puts on the Face of Benevolence. In a word, sometimes nothing
was to be seen but a Contention of Endeavours on the one hand, and
an Opposition of Interests on the other, while a secret Desire of
thriving at the Expence of others constantly prevailed. Such were
the first Effects of Property, and the inseparable Attendants of
Infant Inequality. Riches, before
the Invention of Signs to represent them, could scarce consist in
any thing but Lands and Cattle, the only real Goods which Men can
possess. But when Estates increased so much in number and in extent
as to take in whole Countries and touch each other, it became
impossible for one Man to aggrandize himself but at the Expence of
some other; and the supernumerary Inhabitants, who were too weak or
too indolent to make such Acquisitions in their turn,
impoverished |
Enfin l'ambition dévorante, l'ardeur
d'élever sa fortune relative, moins par un véritable besoin que pour
se mettre au-dessus des autres, inspire à tous les hommes un noir
penchant à se nuire mutuellement, une jalousie secrète d'autant plus
dangereuse que, pour faire son coup plus en sûreté, elle prend
souvent le masque de la bienveillance; en un mot, concurrence et
rivalité d'une part, de l'autre opposition d'intérêt, et toujours le
désir caché de faire son profit aux dépens d'autrui, tous ces maux
sont le premier effet de la propriété et le cortège inséparable de
l'inégalité naissante. Avant qu'on
eût inventé les signes représentatifs des richesses, elles ne
pouvaient guère consister qu'en terres et en bestiaux, les seuls
biens réels que les hommes puissent posséder.
Suivantes |
impoverished without losing any thing,
because while every thing about them changed they alone remained the
same, were obliged to receive or force their Subsistence from the
Hands of the Rich. And hence began to flow, according to the
different Characters of each, Domination and slavery, or Violence
and Rapine. The Rich on their Side scarce began to taste the
Pleasure of commanding, when they preferred it to every other; and
making use of their old Slaves to acquire new ones, they no longer
thought of any thing but subduing and enslaving their Neighbours;
like those ravenous Wolves, who having once tasted human Flesh,
despise every other food, and devour nothing but Men for the
future. It is thus that the most
powerful or the most wretched, respectively considering their power
and wretchedness as a kind of Title to the Substance of others,
even
equivalent |
Or quand les héritages se furent accrus en
nombre et en étendue au point de couvrir le sol entier et de se
toucher tous, les uns ne purent plus s'agrandir qu'aux dépens des
autres, et les surnuméraires que la faiblesse ou l'indolence avaient
empêchés d'en acquérir à leur tour, devenus pauvres sans avoir rien
perdu, parce que, tout changeant autour d'eux, eux seuls n'avaient
point changé, furent obligés de recevoir ou de ravir leur
subsistance de la main des riches, et de là commencèrent à naître,
selon les divers caractères des uns et des autres, la domination et
la servitude, ou la violence et les rapines. Les riches de leur côté
connurent à peine le plaisir de dominer, qu'ils dédaignèrent bientôt
tous les autres, et se servant de leurs anciens esclaves pour en
soumettre de nouveaux, ils ne songèrent qu'à subjuguer et asservir
leurs voisins; semblables à ces loups affamés qui ayant une fois
goûté de la chair humaine rebutent toute autre nourriture et ne
veulent plus que dévorer des hommes.
Suivantes |
equivalent to that of Property, the
Equality once broken was followed by the most shocking Disorders. It
is thus that the Usurpations of the Rich, the Pillagings of the
Poor, and the unbridled Passions of all, by stifling the Cries of
natural Compassion, and the as yet feeble Voice of Justice, rendered
Man avaricious, wicked and ambitious. There arose between the Title
of the Strongest, and that of the first Occupier a perpetual
Conflict, which always ended in Battery and Bloodshed. (17)
Infant Society became a Scene of the most horrible Warfare: Mankind
thus debased and harassed, and no longer able to retreat, or
renounce the unhappy Acquisitions it had made; labouring, in short
merely to its Confusion by the Abuse of those Faculties, which in
themselves do it so much Honour, brought itself to the very brink of
Ruin and Destruction.
Attonitus |
C'est ainsi
que les plus puissants ou les plus misérables, se faisant de leur
force ou de leurs besoins une sorte de droit au bien d'autrui,
équivalent, selon eux, à celui de propriété, l'égalité rompue fut
suivie du plus affreux désordre: c'est ainsi que les usurpations des
riches, les brigandages des pauvres, les passions effrénées de tous
étouffant la pitié naturelle, et la voix encore faible de la
justice, rendirent les hommes avares, ambitieux et méchants. Il
s'élevait entre le droit du plus fort et le droit du premier
occupant un conflit perpétuel qui ne se terminait que par des
combats et des meurtres (Note 17). La société naissante fit place au
plus horrible état de guerre: le genre humain avili et désolé, ne
pouvant plus retourner sur ses pas ni renoncer aux acquisitions
malheureuses qu'il avait faites et ne travaillant qu'à sa honte, par
l'abus des facultés qui l'honorent, se mit lui-même à la veille de
sa ruine.
Suivantes |
Attonitus novitate male, divesque
miserque, Effugere optat opes; & quae modo voverat,
odit.
But it is impossible
that Men should not sooner or later have made Reflections on so
wretched a Situation, and upon the Calamities with which they were
overwhelmed. The Rich in particular must have soon perceived how
much they suffered by a perpetual War, of which they alone supported
all the Expence, and in which, tho' all risked Life, they alone
risked any Substance. Besides, whatever Colour they might pretend to
give their Usurpations, they sufficiently saw that these Usurpations
were in the main founded upon false and precarious Titles, and that
what they had acquired by mere Force, others could again by mere
Force wrest out of their Hands, without leaving them the least room
to complain of such a Proceeding. Even those, who owed all their
Riches to their own Industry, could scarce ground their
Acquisitions |
Attonitus novitate mali, divesque
miserque, Effugere optat opes, et quoe modo voverat,
odit.
Il n'est pas possible que les
hommes n'aient fait enfin des réflexions sur une situation aussi
misérable, et sur les calamités dont ils étaient accablés. Les
riches surtout durent bientôt sentir combien leur était
désavantageuse une guerre perpétuelle dont ils faisaient seuls tous
les frais et dans laquelle le risque de la vie était commun et celui
des biens, particulier. D'ailleurs, quelque couleur qu'ils pussent
donner à leurs usurpations, ils sentaient assez qu'elles n'étaient
établies que sur un droit précaire et abusif et que n'ayant été
acquises que par la force, la force pouvait les leur ôter sans
qu'ils eussent raison de s'en plaindre.
Suivantes |
Acquisitions upon a better Title. It
availed them nothing to say, 'Twas I built this Wall; I acquired
this Spot by my Labour. Who traced it out for you, another might
object, and what Right have you to expect Payment at our Expence for
doing that we did not oblige you to do? Don't you know that Numbers
of your Brethren perish, or suffer grievously for want of what you
possess more than suffices Nature, and that you should have had the
express and unanimous Consent of Mankind to appropriate to yourself
of their Common, more than was requisite for your private
Subsistence? Destitute of solid Reasons to justify, and sufficient
Forces to defend himself; crushing Individuals with Ease, but with
equal Ease crushed by Numbers; one against all, and unable, on
Account of mutual Jealousies, to unite with his Equals against
Banditti united by the common Hopes of Pillage; the rich Man, thus
pressed by Necessity, at
last |
Ceux mêmes que la seule industrie avait
enrichis ne pouvaient guère fonder leur propriété sur de meilleurs
titres. Ils avaient beau dire: C'est moi qui ai bâti ce mur; j'ai
gagné ce terrain par mon travail. Qui vous a donné les alignements,
leur pouvait-on répondre, et en vertu de quoi prétendez-vous être
payé à nos dépens d'un travail que nous ne vous avons point imposé?
Ignorez-vous qu'une multitude de vos frères périt, ou souffre du
besoin de ce que vous avez de trop, et qu'il vous fallait un
consentement exprès et unanime du genre humain pour vous approprier
sur la subsistance commune tout ce qui allait au-delà de la vôtre?
Destitué de raisons valables pour se justifier, et de forces
suffisantes pour se défendre; écrasant facilement un particulier,
mais écrasé lui-même par des troupes de bandits, seul contre tous,
et ne pouvant à cause des jalousies mutuelles s'unir avec ses égaux
contre des ennemis unis par l'espoir commun du pillage, le riche,
pressé par la nécessité,
Suivantes |
last conceived the deepest Project that
ever entered the Human Mind: this was to employ in his favour the
very Forces that attacked him, to make Allies of his Enemies, to
inspire them with other Maxims, and make them adopt other
Institutions as favourable to his Pretensions, as the Law of Nature
was unfavourable to them. With this
View, after laying before his Neighbours all the Horrors of a
Situation, which armed them all one against another, which rendered
their Possessions as burthensome as their Wants were intolerable,
and in which no one could expect any Safety either in Poverty or
Riches, he easily invented specious Arguments to bring them over to
his Purpose. "Let us unite, said he, to secure the Weak from
Oppression, restrain the Ambitious, and secure to every Man the
Possession of what
belongs |
conçut enfin le projet le plus réfléchi qui
soit jamais entré dans l'esprit humain; ce fut d'employer en sa
faveur les forces mêmes de ceux qui l'attaquaient, de faire ses
défenseurs de ses adversaires, de leur inspirer d'autres maximes, et
de leur donner d'autres institutions qui lui fussent aussi
favorables que le droit naturel lui était contraire.
Dans cette vue, après avoir
exposé à ses voisins l'horreur d'une situation qui les armait tous
les uns contre les autres, qui leur rendait leurs possessions aussi
onéreuses que leurs besoins, et oł nul ne trouvait sa sûreté ni dans
la pauvreté ni dans la richesse, il inventa aisément des raisons
spécieuses pour les amener à son but. "Unissons-nous, leur dit-il,
pour garantir de l'oppression les faibles, contenir les ambitieux,
et assurer à chacun la possession de ce qui lui appartient.
Instituons des règlements de justice et de paix auxquels tous soient
obligés de se conformer,
Suivantes |
belongs to him: Let us form Rules of
Justice and of Peace, to which all may be obliged to conform, which
shall not accept Persons, but may in some sort make amends for the
Caprice of Fortune, by submitting alike the Powerful and the Weak to
the observance of mutual Duties. In a word, instead of turning our
Forces against ourselves, let us collect them into a sovereign
Power, which may govern us by wise Laws, may protect and defend all
the Members of the Association, repel common Enemies, and maintain a
perpetual Concord and Harmony among
us." Much fewer Words of this kind
were sufficient to draw in a Parcel of Rustics, whom it was an easy
Matter to impose upon, who had besides too many Quarrels among
themselves to live without Arbiters, and too much Avarice and
Ambition to live long without
Masters. |
qui ne fassent acception de personne, et
qui réparent en quelque sorte les caprices de la fortune en
soumettant également le puissant et le faible à des devoirs mutuels.
En un mot, au lieu de tourner nos forces contre nous-mêmes,
rassemblons-les en un pouvoir suprême qui nous gouverne selon de
sages lois, qui protège et défende tous les membres de
l'association, repousse les ennemis communs et nous maintienne dans
une concorde éternelle." Il en
fallut beaucoup moins que l'équivalent de ce discours pour entraîner
des hommes grossiers, faciles à séduire, qui d'ailleurs avaient trop
d'affaires à démêler entre eux pour pouvoir se passer d'arbitres, et
trop d'avarice et d'ambition, pour pouvoir longtemps se passer de
maîtres.
Suivantes |
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